Archive des Webémissions: Le protocole de triage du Québec

Cette semaine, nous traçons le protocole de triage insaisissable du Québec, découvrons les « critères d’exclusion » cachés et révélons ses dispositions discriminatoires.

Pendant la pandémie COVID-19, nous ne présentons pas notre webémission en raison de problèmes techniques causés par une utilisation intensive d’Internet.  Pourtant, nous offrons le texte en forme de bulletin afin de diffuser les informations au point sur l’effet du suicide assisté, l’euthanasie et d’autres pratiques de fin de vie sur la communauté des personnes en situation de handicap.

LE PROTOCOLE DE TRIAGE DU QUÉBEC

  • Les 17 et 24 avril, nous avons examiné le protocole de triage de l’Ontario et le cadre de prise de décision éthique de l’Association médicale canadienne. Ces documents donnent des normes et procédures que le personnel médical doit suivre pendant la pandémie de COVID-19 s’il n’y a pas suffisamment d’équipement, de personnel, de lits ou d’autres ressources pour répondre à la demande. Depuis ce temps-là nous avons souligné que les provinces n’ont pas activé ces protocoles parce que de nombreux aînés et personnes en situation de handicap qui auraient eu besoin de respirateurs ou de services de soins intensifs pour se remettre du virus n’ont jamais été transférés aux hôpitaux pour obtenir ces services, et ont simplement été laissés à mourir dans les CHSLD ou d’autres établissements.
  • En avril, nous avons vu des références à un protocole de triage au Québec, mais nous n’avons pas pu obtenir de copie pour examen. La semaine dernière, nous avons appris l’existence d’un projet lancé par la Société québécoise de la déficience intellectuelle appelé Triage.Québec. Le site web:
    • affiche le protocole en ligne;
    • fournit un résumé en langage simple;
    • fournit des informations importantes qui manquent dans la version qui se trouve sur le site Web du Collège des Médecins du Québec; et
    • comprend une pétition demandant que le protocole soit modifié pour supprimer les sections discriminatoires en fonction de l’âge et du handicap.
  • Le protocole du Québec commence par des déclarations générales sur son objet et son application.
    • Les règles de triage s’appliquent à toutes les personnes ayant besoin de soins intensifs, qu’elles aient ou non le COVID-19.
    • Les principes directeurs sont similaires à ceux que nous avons vus dans le protocole de l’Ontario et incluent des idées nobles telles que maximiser les avantages, traiter tout le monde équitablement, respecter la liberté individuelle, protéger contre les préjugés et la solidarité.
    • Les critères de triage doivent être suffisamment simples pour être évalués au chevet du patient, en tenant compte du personnel disponible et des conditions évoluant rapidement. Le système de triage devrait protéger les professionnels de la santé en créant un processus décisionnel uniforme et en donnant les choix les plus difficiles à une équipe indépendante d’experts en triage.
    • Pour être transparents et fiables, les « critères doivent être largement disponibles, clairement documentés et assortis de procédures garantissant la responsabilité ».
  • Non seulement le protocole est difficile à trouver, mais il manque des informations essentielles.
    • Le protocole stipule que « le processus de triage pour les adultes … est basé sur un ensemble de critères cliniques et supplémentaires décrits dans le formulaire d’évaluation de l’annexe B ». Mais l’annexe B ne contient qu’une page vierge sous le titre « Annexe B: Formulaire de triage des soins intensifs pour les adultes en situation de pandémie ».
    • Le protocole présente un organigramme (p. 7) qui s’appuie fortement aux « critères d’inclusion » et aux « critères d’exclusion », mais sans énumérer les critères eux-mêmes.
    • Heureusement, le site Triage.Québec fournit un lien vers le document manquant.
  • Pour être admissible aux soins intensifs, une personne doit avoir besoin d’une assistance respiratoire invasive ou avoir une pression artérielle très basse (« critères d’inclusion »). Le protocole reconnaît trois étapes d’urgence, selon la surcharge du système hospitalier. Dans une situation d’urgence de stade 1, le protocole refuserait les soins intensifs uniquement aux personnes ayant une très forte probabilité de mourir (≥ 80%). Dans une situation de niveau 2, les personnes ayant des chances de mourir plus qu’égales seraient exclues. À l’étape 3, seuls les 30% ayant les meilleures chances de survie auraient accès à des ressources de soins intensifs.
  • Le protocole établit 12 critères d’exclusion. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, il est peu probable que les personnes qui répondent à l’un de ces critères se remettent d’une maladie aiguë ou survivent plus de quelques mois. « Pour être admissible aux soins intensifs, l’usager ne doit répondre à AUCUN de ces critères ». Les conditions sont les suivantes:
    • Traumatisme grave (tel que mesuré par le score de gravité des blessures de traumatisme);
    • Brûlures graves (avec deux facteurs aggravants);
    • Arrêt cardiaque;
    • « Déficience cognitive sévère due à une maladie progressiveincapacité totale d’effectuer les activités de la vie quotidienne et domestique de manière indépendante »;
    • Maladie neuromusculaire avancée et irréversible, par exemple la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique (SLA);
    • Cancer;
    • Lésion cérébrale ou accident vasculaire cérébral;
    • Insuffisance organique grave;
    • Perte de capacité fonctionnelle selon le score de fragilité clinique;
    • Chirurgie palliative;
    • Toute personne sous la ventilation mécanique à long terme;
    • Autre jugement clinique.
  • Le site Internet de Triage.Québec décrit l’impact du protocole sur les autistes, les personnes ayant des déficiences cognitives et d’autres diagnostics spécifiques. De plus, le cadre d’évaluation des plans de crise produit par les groupes américains de défense des droits des personnes en situation de handicap en avril, montre comment le protocole québécois pourrait être discriminatoire.
    • Le protocole comprend des exclusions catégoriques sur la base du diagnostic et de la déficience fonctionnelle. Se référer à des conditions spécifiques (la maladie de Parkinson, la SLA) va à l’encontre du devoir du médecin de faire une évaluation individuelle de la capacité de chaque personne à se remettre de la maladie.
    • Les défenseurs des droits des personnes avec déficiences mettent également en garde contre l’utilisation de « déficiences fonctionnelles générales », comme une « incapacité totale d’effectuer les activités de la vie quotidienne et domestique de manière indépendante » ou un score élevé sur l’échelle de la fragilité clinique. Le fait qu’une personne ayant une déficience cognitive puisse effectuer de façon autonome des activités de la vie quotidienne n’a aucun lien avec sa capacité à se remettre d’une maladie.
    • Du côté positif, le protocole du Québec n’utilise pas d’évaluation de la qualité de vie. Cependant, il utilise la survie à long terme comme critère d’éligibilité pour l’accès aux soins intensifs, ce qui ouvre la porte à la discrimination. Un système flexible pour déterminer le potentiel de survie d’une personne avec une déficience, par exemple en accordant du temps supplémentaire sur un respirateur comme accommodement raisonnable, n’est pas prévu dans le protocole.
    • En outre, le protocole exclut les personnes qui utilisent n’importe quel type d’appareil respiratoire à long terme, telles que les personnes atteintes de troubles neuromusculaires ou même celles qui ont de l’apnée du sommeil.
  • Le protocole de triage a été créé sans l’apport des aînés et des personnes en situation de handicap, qui seront les plus touchés par ces dispositions néfastes. C’est peut-être la raison pour laquelle le ministère de la Santé et des Services sociaux a rendu difficile la recherche du document par le public, omet les détails cruciaux (les « critères d’exclusion ») et affirme que le protocole ne sera jamais appliqué. De telles actions ne sont pas conformes à l’esprit de « transparence et confiance » énoncé dans la déclaration de principes, mais elles sont conformes aux politiques de la province de Québec.
  • Cette semaine, le Québec a marqué le 5 000e décès dû au COVID-19, 85% de ces personnes vivaient en établissement. Pourtant, la province s’accroche au système dangereux et obsolète de l’entreposage des personnes dans les CHSLD, plutôt que de leur donner des fonds pour payer les préposés qu’ils choisissent pour les aider à domicile.
TVNDY