Non adapté à l’objectif : Modèle de norme de pratique pour l’AMM

Une analyse du MNP révèle des incongruités, des erreurs, des éléments manquants, des changements de politique en dehors du processus législatif, des normes de conformité faibles et des orientations insuffisantes pour que les évaluateurs et les prestataires de l’AMM puissent s’acquitter de leurs responsabilités.

« Non adapté à l’objectif : Modèle de norme de pratique pour l’AMM »

Version élargi du Mémoire[1] présenté au

Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir

Toujours Vivant-Not Dead Yet

Le 16 novembre 2023

En mars 2023, Santé Canada a publié le Modèle de norme de pratique (MNP) pour l’aide médicale à mourir (AMM). Les prestataires et les promoteurs d’AMM qui ont constitué le groupe de travail sur le MNP ont élargi le mandat du comité d’experts sur l’AMM et la maladie mentale pour s’appliquer à toutes les demandes d’aide médicale à mourir après le 17 mars 2024, y compris lorsque le seul problème de santé du demandeur est un trouble mental. Une analyse du MNP révèle des incongruités, des erreurs, des éléments manquants, des changements de politique en dehors du processus législatif, des normes de conformité faibles et des orientations insuffisantes pour que les évaluateurs et les prestataires de l’AMM puissent s’acquitter avec compétence de leurs responsabilités dans le cadre du programme.

Présenté dans trois documents – un document d’information (DI), le Modèle de norme de pratique (MNP) et une « Document de référence » (DR) en forme de FAQ – le MNP offre une approche incohérente à l’information. Cela se montre dans les problèmes accompagnant la terminologie et les définitions, qui sont souvent contradictoires, autoréférentielles, imprécises et inadéquates :

Définitions

  • Certains termes ne sont ni expliqués ni définis, mais reformatent simplement le libellé de la loi, par exemple « les services de soutien aux personnes handicapées » (MNP § 10.3.5.1) « pressions extérieures » (MNP § 9.1.3) « les soins palliatifs »,[2] « des connaissances, soins et compétences raisonnables » (MNP § 3.0) et « demande d’AMM de manière volontaire » (MNP § 9.1.3).
  • Certains concepts sont introduits sans définition ni référence à la loi. Voir, par exemple, MNP § 8.7 « Les prestataires doivent veiller à la sécurité de l’ordonnance, de l’utilisation, de l’entreposage et du retour des substances liés à la prestation de l’AMM ».
  • Certains mots devraient être synonymes, mais ne le sont pas ; MNP § 9.1.2 se réfère à la capacité de prendre des décisions en ce qui concerne la santé » tandis que MNP § 9.3.1 et § 9.3.2 se réfèrent à « des décisions relatives à l’AMM ».
  • Différents termes sont utilisés pour exprimer la même idée. Par exemple, le modèle de norme de pratique comprend de multiples variantes sur « les moyens de soulager la souffrance » :
    • La phrase « moyens raisonnables et disponibles pour soulager » la souffrance se trouve aux articles 8.10, 10.2.9 et 10.3.6 du MNP, mais la phrase n’est pas définie.
    • La phrase « moyens disponibles pour soulager » la souffrance apparaît aux articles 9.1.4, 9.7.2(a), 9.11.1, 9.11.2, 10.2.8, 10.3.5 (et les sous-sections), 10.3.6 de la MNP, et dans les #s 9a) et 9b) du DR,
  • Le MNP §§ 9.4 à 9.7 expliquent ce qui constitue un « problème de santé grave et irrémédiable », sans définir des termes tels que « grave », « irrémédiable » et « traitements reconnus, disponibles et potentiellement efficaces ».
    • Lorsque des termes sont définis (tels que « incurable » (MNP § 9.5.2, DR 3a), 3b)), « capacité » (MNP § 9.6.2), « état avancé de déclin » (MNP § 9.6.3) et « irréversible » (MNP § 9.6.4)), ils n’apparaissent pas dans le glossaire (ce qui indiquerait une applicabilité globale), mais seulement dans la section qui explique l’admissibilité.
    • De plus, la définition de « incurable » mentionne les « traitements raisonnables » sans préciser s’il s’agit de soins de promotion, préventifs, curatifs, de réadaptation et/ou palliatifs. Le MNP ne traite pas non plus de la question de savoir si un traitement qui n’est pas couvert par le régime provincial de soins de santé de la personne (ou dans une autre province) serait considéré comme « raisonnable », ou si le coût (pour la province ou pour la personne), le fardeau des déplacements ou le temps d’attente les rendraient « inaccessibles » (tel que décrit dans le DR # 3b).
  • L’expression (ambiguë et non définie) « personne demandant l’AMM » apparaît 13 fois.[3] L’expression est probablement censée indiquer la personne qui demande à mourir ; elle est ambiguë parce que les subrogés, les membres de la famille et les prestataires de soins médicaux demandent parfois l’aide médicale à mourir au nom d’une autre.  L’ambiguïté n’est pas non plus résolue par des mises en garde contre « d’évaluation relative à l’AMM sur les instructions de quiconque autre que la personne demandant l’AMM ». (MNP § 8.8) ni l’interdiction « [d’]administrer l’AMM sur les instructions de quiconque autre que la personne demandant l’AMM » (MNP § 8.4) ou même l’exigence selon laquelle les prestataires « doivent obtenir le consentement éclairé directement de la personne demandant l’AMM, et non du décideur substitut autorisé d’une personne inapte » (MNP § 9.10).  Le terme devrait être clairement défini dans le glossaire, avec une citation à chaque section où il se trouve dans les documents de la norme de pratique.
  • Le glossaire (MNP § 17.0) :
    • Comprend des termes qui ne sont pas utilisés dans la norme de pratique (comme « Association des professionnels de la santé »)
    • Omet les termes qui figurent dans la loi et les documents MNP, tels que « les services de consultation psychologique, les services de soutien en santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées [et] les services communautaires » (MNP § 10.3.5.1) « sérieusement envisagé » (MNP § 10.3.6, DR # 9b) « vulnérabilité structurelle » (DR #13) et « une expérience et des qualifications suffisantes pour le faire de manière sécuritaire et compétente dans les circonstances de chaque cas » (MNP § 4.2).[4]
    • Omet des termes qui sont définis dans leur contexte législatif, mais qui ont également une application mondiale, tels que : « état avancé de déclin », « consulter », « incurable », « irréversible » et « caractère volontaire » / « demande volontaire »
    • Omet les termes « devrait » et « doit » qui « exprim[ent] les attentes de l’autorité réglementaire »[5] et qui sont définis dans le préambule. Le mot « peut/peuvent » est utilisé de la même manière,[6] mais n’est pas défini dans le préambule ou le glossaire.

Éléments incomplets / manquants

Le MNP est incomplet et manque d’éléments importants,[7] tels que :

  • Procédures de la renonciation au consentement final (MNP § 13).
  • Procédures de mise en œuvre du consentement préalable – auto-administration (MNP § 14). Cela ne s’applique qu’à l’exception étroite décrite au paragraphe 241.2(3.5) du projet de loi C-7, qui permet à un praticien d’administrer une substance létale en cas d’échec de l’auto-administration (suicide assisté). 
  • Procédures régissant la prestation de l’AMM – l’auto-administration (le suicide assisté) ou pour l’administration de l’euthanasie (MNP § 15).
  • Procédures de documentation de l’AMM (MNP § 16.0) et d’autres résultats, tels que :
    • si la personne a été informée de l’aide médicale à mourir (MNP § 6.3.3).
    • remplir la documentation requise (MNP § 8.2.3).
    • « le raisonnement et les preuves sur lesquels leur évaluation de la capacité a été fondée» (MNP § 9.3.6).
  • Toute obligation de fournir une évaluation ou une intervention en prévention du suicide SAUF si la personne demandant l’AMM est jugée inadmissible.
  • L’exigence qu’un/e « référence/transfert/orientation efficace » se fait en « temps opportun » qui se trouve aux articles MNP § 5.2.1, au § 6.4 et au glossaire ne s’applique pas aux soins palliatifs, aux mesures de soutien aux personnes handicapées et aux services de santé mentale. Cela reflète la mission continue de Santé Canada de rendre l’accès à la mort encore plus large, plus facile et plus rapide, tout en reléguant les services d’aide au bien-être à une priorité moindre. Le mandat d’accès en temps opportun doit être élargi pour inclure les services et les soutiens qui réduisent les demandes d’euthanasie.

Modification de la politique sans approbation législative.

Les pratiques qui ont évolué au cours des sept premières années de mise en œuvre de l’AMM sont justifiées, délimitées et codifiées par la norme de pratique pour les légitimer.  En voici quelques exemples :

  • L’élargissement de l’admissibilité à l’AMM. DI p. 2, ¶ 3 mentionne que « les cas de troubles mentaux en tant que seul problème médical invoqué (TM-SPMI) présentent de nombreuses similitudes cliniques par rapport à certains autres cas déjà autorisés dans le cadre de la nouvelle ‘voie 2’ » et « les personnes souffrant de troubles mentaux avaient déjà accès à l’AMM à condition qu’elles aient un autre problème de santé admissible ».
  • Reconnaissance de la pratique du « magasinage des médecins ». MNP § 10.2 fait référence à une « évaluation de l’admissibilité à la demande actuelle », ce qui implique que plusieurs demandes d’aide médicale à mourir par la même personne sont attendues, tolérées et accommodées. Le DR #8 fait également référence au magasinage des médecins en tant que « les documents relatifs aux évaluations d’AMM antérieures ».

De plus, la norme de pratique modifie la politique en dehors du processus législatif.

  • Des sections du MNP limiteraient (la portée et l’application) le droit d’être informé des moyens de soulager les souffrances.
    • L’alinéa 241.2(1)e) du projet de loi C-14 stipule que l’admissibilité à l’aide médicale à mourir exige un « consent[ement] éclairé […] après avoir été informés des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment les soins palliatifs ».
      • La personne doit être informée des moyens de soulager les souffrances pour satisfaire au critère d’admissibilité ;
      • L’article s’applique à tous les demandeurs d’aide médicale à mourir, que leur mort naturelle soit raisonnablement prévisible ou non.
    • L’article 6.1 de la MNP stipule que les praticiens « doivent prendre des mesures raisonnables pour s’assurer que les personnes sont informées … des options thérapeutiques disponibles pour soulager la souffrance ».
      • « Prendre des mesures raisonnables » est une norme inférieure à l’exigence de « consentement éclairé » pour l’admissibilité.
    • La note de bas de page 15 de l’article 8.10 de la MNP stipule « Alors qu’un évaluateur peut discuter des moyens disponibles pour soulager la souffrance de la personne pour les personnes de la voie 1, il est seulement exigé en vertu du Code criminel que l’évaluateur et le prestataire le fassent pour les personnes de la voie 2 ».
      • L’exigence d’admissibilité est égale à « doit ».
      • Le droit au consentement informé décrit dans § 241.2(1)e) n’est pas limité à un sous-ensemble des personnes demandant l’AMM.
    • MNP § 8C omet toute obligation (sur les évaluateurs) d’informer les personnes sur la voie 1 des moyens de soulager la souffrance.
    • MNP § 10.3.5 est étiqueté « Moyens disponibles pour soulager la souffrance (la voie 2 seulement). »
  • L’écart entre l’article 9.1.2 de la MNP « capacité de prendre des décisions en matière de santé » et les articles 9.3.1 et 9.3.2, qui font référence aux « décisions concernant l’aide médicale à mourir », est soit une erreur importante, soit une tentative de modification de la politique.

Des éclaircissements sont nécessaires.

  • Les articles 4.2 de la MNP et DR #10 stipulent que les praticiens doivent avoir « une formation, une expérience et des qualifications suffisantes » pour évaluer l’admissibilité et de fournir l’AMM « de manière sécuritaire et compétente ».
    • Malgré le fait que toutes les personnes qui demandent l’aide médicale à mourir ont un handicap – qu’elles se définissent ou non comme « personne handicapée » – Santé Canada et le Parlement ont jusqu’à présent refusé de reconnaître la prévalence de l’incapacité et les effets de la discrimination fondée sur le handicap chez les personnes qui demandent de l’aide à mourir. « Une formation, une expérience et des qualifications suffisantes » devraient donc inclure une compréhension des modèles (médicaux, sociaux et de justice à l’égard) du handicap, et le rôle des obstacles et de la discrimination dans la limitation des options de vie disponibles aux personnes avec déficiences.
    • La « formation nécessaire » recommandée pour les prestataires (« les soins tenant compte des traumatismes, la sécurité culturelle et l’humilité culturelle ») dans le DR #10 ne mentionne pas le capacitisme ; bien que la définition de la sécurité culturelle fasse référence au racisme et aux préjugés sexistes. Le MNP ne tient pas non plus compte du fait que les personnes handicapées partagent un héritage de privations linguistiques et culturelles, de pratiques eugéniques, de pauvreté, de violence médicale et de disparités en matière de santé, d’exclusion, d’institutionnalisation forcée, de privation du droit de vote et de violence physique ou sexuelle (et donc de taux disproportionnés de traumatismes) similaire à celui subi par d’autres groupes opprimés.
  • À l’article 6.5 du MNP, la norme de pratique exige que les praticiens doivent prendre « des mesures raisonnables pour s’assurer que la personne ne perçoit pas de contrainte, d’incitation ou de pression ».
    • Rien n’indique si cette mise en garde vise à régir le comportement du praticien ou s’il est accusé d’empêcher la coercition, l’incitation ou la pression d’autres sources, comme l’équipe médicale, la famille de la personne ou son entourage.
    • En outre, un point de vue cynique soulignerait que la mise en garde est que la personne ne « perçoit » pas la coercition ou l’incitation ; cela signifie-t-il que si la personne ne sait pas qu’elle est contrainte, aucune violation n’a eu lieu ?
  • Le § 9.3.2 de la MNP stipule que la personne doit avoir la capacité « au moment de l’évaluation de l’aide médicale à mourir ». Cette approche « aperçu instantanée » est apparemment contredite par le § 9.3.3 du MNP qui prévoit que « Comme la capacité est fluide … les praticiens doivent être attentifs aux changements potentiels » et recommande que « les évaluateurs et les prestataires devraient procéder à des évaluations en série de la capacité … ».
  • La définition de « incurable » (MNP § 9.5.2) mentionne des « traitements raisonnables » sans préciser si un traitement non couvert par le régime provincial de soins de santé de la personne serait considéré comme « raisonnable » ou si le coût, le fardeau des déplacements, le temps d’attente ou d’autres facteurs les rendraient « inaccessibles » (selon le DR # 3b).

Détermination de la capacité

  • Il n’est pas clair si les lignes directrices pour l’évaluation des capacités contenues dans MNP § 9.3 sont destinées à satisfaire aux « normes cliniques et aux critères juridiques » mentionnés (mais non définis) dans le MNP § 9.3.5.
  • MNP § 9.3.2 propose une norme d’Appelbaum modifiée pour déterminer la capacité, où les habiletés de comprendre, d’apprécier, de raisonner et d’exprimer une décision sont réduites à la capacité de « comprendre et d’apprécier », et appliquées à trois sujets ; l’histoire et le pronostic de la condition médicale, les options de traitement, ses risques et ses avantages, et que le résultat de l’aide médicale à mourir est le décès.
    • Cela exige que la personne reçoive des renseignements qui ne sont pas prescrits par la loi pour les personnes dont la mort naturelle est « raisonnablement prévisible […] sans qu’un pronostic ait nécessairement été établi quant à la durée précise qu’il leur reste. Si aucun pronostic n’a été établi ou communiqué, comment la capacité de la personne peut-elle être déterminée en fonction de son aptitude à comprendre et à apprécier les implications du pronostic ?
    • De plus, comme la Dre Madeline Li l’a souligné dans le rapport d’expert qu’elle a présenté dans l’affaire Lamb, les critères d’Appelbaum « se concentrent uniquement sur les aspects cognitifs de la capacité – ce qui représente une barre basse que seules les personnes ayant une déficience cognitive importante ne réussiraient pas à atteindre.« (à ¶ 15).
  • La norme de pratique recommande que « le cas échéant, les évaluateurs et les prestataires devraient consulter les cliniciennes ou des cliniciens spécialisés dans l’évaluation de la capacité de prise de décision ». (MNP § 9.3.4), mais l’alinéa ne dit pas comment ces experts seraient identifiés, ou quelles circonstances rendraient une telle consultation « appropriée » ou nécessaire.
  • Aucune orientation quant au format, à l’échéance ou au destinataire n’est fournie aux évaluateurs et aux prestataires pour qu’ils « documentent le raisonnement et les preuves sur lesquels leur évaluation de la capacité a été fondée » (MNP § 9.3.6).

Faibles normes de conformité

  • La loi C-14 (au § 241.1(d)) stipule que, pour être admissible, la personne doit faire « une demande d’aide médicale à mourir de manière volontaire, notamment sans pressions extérieures », mais la « pression extérieure » n’est pas définie dans la loi, les règlements ou le modèle de norme de pratique. Le Groupe de travail sur le MNP exclut les pressions socio-économiques de ses discussions de la « pression extérieure », la limitant à une « influence indue » (sans mention d’abus ou de coercition, malgré les taux élevés d’abus documentés contre les aînés et les personnes en situation de handicap). Cela détourne l’attention de la pauvreté, de la discrimination et d’autres causes systémiques qui incitent les gens à demander la mort.
    • La discussion sur la souffrance au § 9.7.2 du MNP limite « toutes les dimensions » de la souffrance à ce qui est « physique, psychologique, sociale [et] existentielle », soulignant que « la maladie, l’affection, le handicap et/ou l’état de déclin des capacités … est la cause de ses souffrances », sans référence aux « pressions extérieures ».
    • L’explication du « caractère volontaire » à l’article 9.8 de la MNP omet également les « pressions externes », affirmant que « les évaluateurs et les fournisseurs doivent être convaincus que la décision de la personne de demander l’aide médicale à mourir a été prise librement, sans influence indue … des membres de la famille, des fournisseurs de soins de santé ou d’autres personnes. L’article n’explique pas non plus comment les praticiens devraient déterminer si la personne a subi des pressions interpersonnelles. 
    • La section sur l’hospitalisation involontaire (MNP § 9.9) ne dit rien sur le placement en institution en raison du manque de services à domicile.
    • DR #13b) dit que les praticiens devraient « s’efforcer d’être conscients de la vulnérabilité structurelle et de la façon dont les obstacles systémiques connexes et les préjugés à l’égard des demandeurs d’AMM peuvent avoir influé sur leurs interactions dans le cadre du système de soins de santé et sur leur habileté à accéder aux ressources appropriées », et non sur le fait que leur demande était volontaire.  L’imposition d’une obligation de minimis (que les praticiens « s’efforcent d’être conscients » des « obstacles et des préjugés ») en l’absence de toute obligation de remédier aux effets de la discrimination et de l’exclusion, rend la protection légale contre les « pressions extérieures » dénuée de sens.
  • Santé Canada n’a pas corrigé la faible priorité accordée à l’accès aux communications dans les mesures de protection procédurales, qui reste à la fin de la liste de contrôle (MNP § 10.1.7, 10.2.11).  Ceci malgré des études montrant que 33% à 53% des personnes utilisant la ventilation mécanique ont besoin d’un accès à la communication,[8] et que le fait de ne pas assurer une communication efficace peut conduire les patients à se sentir impuissants, anxieux et frustrés, et contribuer à des erreurs médicales, à des douleurs inutiles, à la confusion sur les régimes de médicaments et aux violations des droits humaines. Le MNP devrait exiger qu’une communication réceptive et expressive efficace et impartiale soit assurée dès la première interaction entre la personne et les évaluateurs et prestataires d’aide médicale à mourir.
  • L’article 10.3.4 du MNP stipule que « [l]a formulation d’un avis sur l’admissibilité à l’AMM peut nécessiter que l’évaluateur ou prestataire entreprenne certaines mesures ». Cela établit une norme de conformité très basse parce que, contrairement à « Devrait » et « Doit », le mot « peut » n’est pas défini dans le préambule et n’exprime donc aucune attente de la part de l’autorité réglementaire.
  • Les évaluations des praticiens des personnes potentiellement suicidaires (MNP § 11.1) sont également soumises à des normes peu élevées.
    • Les évaluateurs et les prestataires « doivent prendre des mesures pour s’assurer que le souhait du demandeur de recevoir l’AMM » conformes à certaines exigences (ce qui « peut nécessiter des évaluations en série »). La décision doit être :
      • Cohérent avec ses valeurs et ses convictions,
      • Sans ambiguïté et durable,
      • Réfléchi rationnellement,
      • Pris pendant une période de stabilité, et
      • ne pas pris pendant une période de crise.
    • Ce mandat envoie des messages contradictoires :
      • « Doit » implique une obligation, mais « prendre des mesures » suggère que des efforts minimaux sont acceptables.
      • L’expression « peut nécessiter des évaluations en série », indique une faible attente de la part de l’autorité réglementaire.
    • « Prendre des mesures » et « s’assurer » met l’action à un deuxième degré de retrait de la certitude d’être effectuée.
    • En outre, rendre obligatoires les acheminements vers les services de la prévention du suicide uniquement lorsque la personne a été jugée inadmissible à l’AMM n’a aucun sens (MNP § 11.3). Par définition, une personne qui demande l’aide médicale à mourir exprime un désir de mettre fin à ses jours et elle est donc suicidaire ; toutes personnes qui demandent de l’aide pour mourir devraient recevoir des services de prévention du suicide, et pas seulement une orientation vers de tels services.

Mesures de protection virtuelles

L’article 12 (Soins virtuels) établit une nouvelle norme de protection abaissée sans l’approbation législative. Le Groupe de travail permettrait d’effectuer des évaluations des capacités « de manière virtuelle », par l’entremise d’un contact à distance. Plusieurs problèmes potentiels se présentent :

  • En supposant que « soins virtuels » et « de manière virtuelle » sont synonymes et sont conformes à la définition du glossaire (« englobent tous les moyens par lesquels les prestataires de soins de santé interagissent à distance avec leurs patients en utilisant les technologies de télécommunications et les technologies numériques »)
    • Les « soins virtuels » incluraient donc les appels téléphoniques, les vidéoconférences, les courriels et les messages SMS.
    • La section 12.1 indique que les praticiens « peuvent évaluer la demande d’aide médicale à mourir d’une personne … de manière virtuelle »
      • On peut présumer que cela signifie évaluer l’admissibilité de la personne, y compris si elle a un problème de santé grave et irrémédiable ou si elle est dans un état avancé de déclin irréversible ;
      • Serait-il donc permis de faire de telles évaluations par téléphone, par courriel ou par message texte ?
  • MNP § 12.2 applique des restrictions aux évaluations virtuelles de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir. Le fournisseur doit :
    • « Confirmer que la personne est d’accord avec l’évaluation qui se déroule de manière virtuelle ».
      • « Confirmer » suppose un point de départ d’accord.
      • Compte tenu du déséquilibre de pouvoir entre le prestataire et le requérant, et du sentiment d’urgence du demandeur, il est peu probable que la personne s’opposerait à une évaluation accélérée, bien qu’elle soit moins approfondie.
    • « Déterminer qu’une conclusion valide de l’admissibilité de la personne à l’AMM peut être réalisée; »
      • L’expression « conclusion valide » n’est pas définie ou expliquée dans le MNP.
      • Si le praticien a choisi de faire une évaluation à distance, la validité de la conclusion de cette évaluation n’a probablement pas été un facteur dans sa décision de le faire virtuellement.
    • « S’assurer que l’évaluation s’harmonise avec les dispositions d’autres normes pertinentes de l’autorité réglementaire. »
      • On peut supposer qu’il s’agit de la manière et le processus par lesquels l’évaluation est effectuée, plutôt que du résultat de l’évaluation.
      • Le MNP ne fournit pas d’indications sur les échanges d’informations, les examens et les évaluations qui peuvent être effectués efficacement par SMS, par courriel, par appel téléphonique ou ceux qui nécessitent une consultation en présentiel.
  • Dans quel univers est-ce que les soins virtuels – ou toute partie du modèle de la norme de pratique, d’ailleurs – satisferaient-ils au mandat Carter d’un « régime soigneusement conçu, qui impose des limites strictes scrupuleusement surveillées et appliquées » ?

[1] Il s’agit d’une version étendue du mémoire soumis le 16 novembre 2023, disponible à https://www.dropbox.com/scl/fi/3k618xzrh8qshvkb7lqdb/ParlAMADCommBrief1K1123EN.docx?rlkey=ur16tg49gfctev459tbe8c9zf&dl=0.

[2] MNP §§ 9.1.4, 9.11.1, 9.11.2, 10.2.8, 10.3.5.1

[3] MNP §§ 5.3, 8.1, 8.4, 8.8, 8.9, 8.10, 9.1, 9.3.1, 9.10, 9.11.1, 9.11.4, 10.1.3 fn 17, 10.3.4.3 (a) et trois fois dans le glossaire, mais jamais avec sa propre définition.

[4] Voir aussi les termes (connexes) « connaissances et expérience » dans DR#1 ¶ 5, #10 #11a) ¶ 2.

[5] MNP § 1.0 ¶ 3.

[6] Voir, par exemple, MNP §§ 8.10 fn 15, 10.3.4, 10.3.5.4, 11.1, 12.1.

[7] L’explication dans la note avant le § 13 – indiquant que « les sections 13.0 à 16.0 sont intentionnellement laissées vides … » – ne permet ni de justifier l’application ni la promotion d’une norme de pratique incomplète.

[8] Hurtig, Richard R et coll. « The cost of not addressing the communication barriers faced by hospitalized patients. » Perspectives of the ASHA special interest groups vol. 3,12 (2018) : 99-112. doi :10.1044/persp3. SIG12.99 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6402813/pdf/nihms975159.pdf

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TVNDY