Archive des webémissions: Le protocole de triage de l’Ontario

Cette semaine: nous examinons le protocole de triage de l’Ontario à l’aide d’un outil d’évaluation de la discrimination fondée sur le handicap, et annonçons le groupe consultatif fédéral sur le COVID-19 et les personnes handicapées.

Pendant la pandémie COVID-19, nous ne présentons pas notre webémission en raison de problèmes techniques causés par une utilisation intensive d’Internet.  Pourtant, nous offrons le texte en forme de bulletin afin de diffuser les informations au point sur l’effet du suicide assisté, l’euthanasie et d’autres pratiques de fin de vie sur la communauté des personnes en situation de handicap.

LE PROTOCOLE DE TRIAGE DE L’ONTARIO

  • Les gouvernements et les établissements de santé élaborent des politiques de distribution de ressources rares pendant la pandémie de COVID-19. Même s’ils ne disent pas que « les personnes handicapées sont mieux mortes », nombre de ces politiques discriminent les personnes avec déficiences de manière moins évidente. Les militants des droits des personnes en situation de handicap ont créé un outil d’évaluation qui comprend six questions pour identifier les politiques discriminatoires à l’égard des personnes ayant des incapacités. Aujourd’hui, nous allons essayer l’outil d’évaluation du Protocole de triage clinique de l’Ontario pour voir comment il se classe sur la discrimination fondée sur le handicap.
  • L’équipe qui a rédigé la politique de l’Ontario était dirigée par le Dr James Downar, un fervent partisan du suicide assisté et de l’euthanasie (le SA & E). Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les militants des droits des personnes en situation de handicap aient déjà critiqué le protocole. Dans une lettre ouverte adressée au premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, et à d’autres représentants du gouvernement, signée par plus de 200 groupes des personnes avec déficiences, des militants ont souligné que le protocole empêcherait les personnes ayant de troubles cognitifs et de maladies dégénératives de recevoir des soins vitaux en cas de pénurie de lits, personnel ou équipement. La lettre dit que « le protocole doit clairement stipuler que le jugement clinique ne doit pas être basé sur des préjugés, des stéréotypes ou le capacitisme » et que les personnes handicapées ne devraient pas recevoir une priorité inférieure « en fonction des soutiens qu’elles reçoivent pour la vie quotidienne ».
  • Les principes qui guident le protocole de triage de l’Ontario sont les suivants:
    • Utilité: obtenir le maximum d’avantages en donnant des ressources à ceux qui en retireront le plus (les personnes les plus susceptibles de récupérer).
    • Proportionnalité: le protocole ne devrait pas avoir d’effet négatif sur plus de personnes que le système « premier arrivé, premier servi ».
    • Équité: « Les critères cliniquement pertinents doivent être utilisés en premier lieu » (ce qui signifie si une personne est susceptible de se remettre de la maladie). « La priorité ne devrait être accordée à personne sur la base de privilèges socio-économiques ou de rang politique ».
  • Le protocole de l’Ontario décrit qui se verrait refuser les soins intensifs en cas de pénurie grave, en trois étapes, selon la gravité de la pénurie:
    • Une pénurie de niveau 1 exclurait le plus petit nombre de personnes, celles dont le risque de mourir est supérieur à 80%;
    • Une pénurie de niveau 2 exclurait davantage de personnes, celles dont le risque de mourir est supérieur à 50%;
    • Une pénurie de niveau 3 exclurait le plus grand nombre de personnes, celles dont le risque de mourir est supérieur à 30%.
  • Les critères d’exclusion examinent si la personne est susceptible de mourir de la maladie immédiate et si elle a une chance de survivre à long terme (plus de quelques mois).
  • Les principes directeurs pour éviter la discrimination fondée sur le handicap rédigés par des militants handicapés contrastent fortement avec le protocole de l’Ontario.
    • « La vie des personnes avec déficiences est tout aussi digne et précieuse que celle des personnes non handicapées.
    • « Les personnes en situation de handicap doivent avoir une chance égale de recevoir un traitement de survie.
    • « Le fait qu’une personne ayant une incapacité a besoin d’un soutien (minimal ou extensif) pour effectuer certaines activités de la vie quotidienne n’est pas pertinent pour une analyse médicale visant à déterminer si cette personne peut répondre au traitement.
    • « Les médecins et les équipes de triage doivent [ne pas présumer et utiliser des stéréotypes] sur la valeur ou la qualité de vie d’une personne en situation de handicap dans la prise de décisions concernant le traitement médical.
    • « Les médecins et les équipes de triage ne doivent pas supposer qu’ils sont exempts … des préjugés dans la prise de décisions critiques en matière de soins de santé ou de mort. … Les personnes avec déficiences souffrent depuis longtemps de discrimination dans la prise en charge médicale.
    • « Pour éviter toute discrimination, les médecins ou les équipes de triage doivent effectuer un examen approfondi de chaque patient et ne pas supposer qu’un diagnostic spécifique [peut donner un] pronostic fiable ou [prédire] la survie … sans une analyse des meilleures preuves actuelles médicales objectives et la capacité de l’individu à répondre au traitement.
    • « Les médecins et les équipes de triage ne doivent pas réaffecter [donner à d’autres personnes] les respirateurs des personnes handicapées qui les utilisent dans leur vie quotidienne ».

Appliquer l’outil d’évaluation de la discrimination au protocole de l’Ontario

  • Le plan exclut-il les personnes en fonction de leur diagnostic ou de leurs limitations fonctionnelles?
    • Comme indiqué ci-dessus, le protocole de l’Ontario mentionne des handicaps spécifiques, tels que les troubles cognitifs, la maladie de Parkinson, la SLA et la fibrose kystique. Le protocole fait également référence à la « maladie maligne métastatique » et à « l’immunodéprimé avancé et irréversible » qui semble être une autre façon de dire le cancer et le sida.
  • Le plan inclut-il des évaluations de la qualité de vie comme critère d’allocation?
    • Le protocole prend un ton clinique neutre et ne comprend pas de phrases comme « qualité de vie ». Le dixième critère d’exclusion (J) utilise les scores de l’échelle clinique de fragilité, qui décrit « la forme physique ou la fragilité d’une personne âgée », y compris la capacité de la personne à effectuer des activités de la vie quotidienne. Cela pourrait être considéré comme une mesure de la qualité de vie et est directement lié à l’âge et au handicap.
  • Le plan inclut-il la survie à long terme au-delà de l’épisode de soins actifs comme critère d’attribution?
    • Oui. Le critère d’exclusion 13 (M) est une évaluation des « chances de mortalité de la personne en raison de sa maladie grave, ou dans un proche avenir, quelle que soit sa maladie grave ».
  • Le plan permet-il l’allocation ou la réaffectation [de ressources] en fonction de la durée prévue ou documentée des besoins?
    • Le critère d’exclusion 9 (L) fait référence aux personnes qui ont utilisé un respirateur pendant au moins 14 jours et qui ont des scores « ProVent » élevés. D’habitude, le score ProVent est calculé sur l’usage de 21 jours. Il convient de noter aussi que la moitié des six points du score ProVent sont des signes de maladie (un pour un faible nombre de plaquettes et nécessitent des vasopresseurs et une dialyse). Le reste est lié à l’âge de la personne.
  • Lorsque le plan intègre des probabilités de survie à court terme, le fait-il de manière individualisée conformément aux normes de preuves disponibles?
    • « Pour être admis dans un lit de soins intensifs, un patient doit répondre à l’un des critères d’inclusion, et ne doit répondre à aucun des critères d’exclusion ». Il existe deux critères d’inclusion, liés aux problèmes respiratoires et à d’autres symptômes. Il existe 13 critères d’exclusion, décrits aux pages 4-6 du protocole.
    • Le protocole suggère que le « jugement clinique » pourrait augmenter le nombre de personnes exclues « car certaines conditions non énumérées peuvent également dénoter un mauvais pronostic ». Deux médecins doivent s’entendre sur l’évaluation, qui est envoyée pour examen par le comité de surveillance du triage de l’hôpital. Ce groupe « devrait comprendre au moins un médecin, un éthicien et un représentant de l’administration hospitalière responsable de l’attribution des lits ».
  • Existe-t-il des dispositions « spéciales » pour les personnes qui utilisent des respirateurs?
    • Le protocole ne mentionne pas de « réaffecter » des respirateurs aux personnes qui les utilisent quotidiennement. 
  • Deux autres éléments à noter:
    • Il y a deux étapes dans « l’algorithme de triage » où l’équipe médicale demande à la personne si elle veut se passer de soins vitaux.
    • « Si le patient indique une préférence pour recevoir des mesures de survie en cas de détérioration, mais le [médecin le plus responsable] estime que cela n’est pas approprié compte tenu de l’état de santé du patient, il doit essayer de résoudre cette discordance comme il le ferait normalement ». Le protocole ne dit pas comment cela est censé se produire.

LE GROUPE CONSULTATIF FÉDÉRAL SUR LE COVID-19 ET LES PERSONNES HANDICAPÉES

  • L’honorable Carla Qualtrough, ministre de l’Inclusion des personnes handicapées, a mis sur pied un groupe consultatif sur les personnes handicapées sur « l’approche inclusive du Canada » à la pandémie de COVID-19 ». Un membre de ce groupe consultatif est la Dre Heidi Janz, présidente du comité d’éthique de la fin de vie du Conseil des Canadiens avec Déficiences.
  • Le groupe « fournira des conseils sur les expériences vécues des personnes en situation de handicap pendant la crise » et se concentrera sur « l’égalité d’accès aux soins de santé et au soutien, l’accès à l’information et aux communications, la santé mentale et l’isolement social, de même que l’emploi et le soutien au revenu », entre autres.
TVNDY