Archive des webémissions: Cadre pour la prise de décisions éthiques de l’AMC

Cette semaine, nous examinons le Cadre de prise de décision éthique pendant la pandémie de coronavirus de l’Association médicale canadienne et des nouvelles de Not Dead Yet d’une plainte concernant un protocole d’attribution de respirateurs à New York.

Pendant la pandémie COVID-19, nous ne présentons pas notre webémission en raison de problèmes techniques causés par une utilisation intensive d’Internet.  Pourtant, nous offrons le texte en forme de bulletin afin de diffuser les informations au point sur l’effet du suicide assisté, l’euthanasie et d’autres pratiques de fin de vie sur la communauté des personnes en situation de handicap.

CADRE POUR LA PRISE DE DÉCISIONS ÉTHIQUES DE L’AMC

  • Avant d’arriver aux politiques d’allocation des ressources médicales vitales, voici deux points à garder à l’esprit.
    • Une personne vivant dans une maison de soins infirmiers a probablement un problème de santé qui peut la rendre plus susceptible de tomber malade avec le coronavirus, et il pourrait être plus difficile de s’en remettre. Le personnel médical joue souvent le rôle de gardien en ne transférant pas les personnes âgées et handicapées à l’hôpital où les soins intensifs leur donneraient de meilleures chances de guérison. De cette façon, ils ne sont jamais pris en compte dans les termes des protocoles d’allocation, et les croyances sur leur capacité à récupérer deviennent une prophétie auto-réalisatrice.
    • Dans un article publié par le Hastings Center (un groupe de réflexion sur la bioéthique), le militant des droits des personnes en situation de handicap Ari Ne’eman dit que la discrimination dans les soins de santé va au-delà des « stéréotypes, des évaluations de la qualité de vie ou des jugements sur la valeur relative d’un patient en fonction du handicap ou âge » et « exclusions catégoriques » pour certains diagnostics. Il dit que mettre fin à une telle discrimination prend plus que « simplement éliminer les préjugés irrationnels », car pour de nombreuses personnes handicapées, leurs déficiences et le besoin de ressources médicales rares (comme les respirateurs) sont liés à leur capacité à se remettre du COVID-19. Il suggère que l’obligation de faire des « accommodements raisonnables » (modification d’une politique pour permettre à une personne handicapée de bénéficier des services fournis) dans les lois sur les droits des personnes en situation de handicap pourrait obliger un hôpital à utiliser « plus de ressources pour lui accorder un statut égal » comme en accordant à une personne avec une déficience qui a besoin d’un soutien respiratoire plus de temps sur un respirateur.
  • L’Association médicale canadienne a publié des lignes directrices sur la façon dont les hôpitaux devraient décider qui obtiendra les rares ressources en soins de santé pendant la pandémie de COVID-19. Les recommandations de l’AMC sont tirées directement d’un article publié dans le « New England Journal of Medicine » à la fin de mars.
  • L’article du NEJM commence par parler de quatre « valeurs fondamentales » qui façonnent les propositions d’allocation des ressources:
    • maximiser les avantages produits par les ressources rares;
    • traiter les gens sur un pied d’égalité;
    • promouvoir et récompenser les activités qui profitent aux autres; et
    • donner la priorité aux plus démunis.
  • C’est lorsque ces valeurs sont mises en pratique que les personnes avec déficiences peuvent se retrouver désavantagées.
    • Parfois, tirer le meilleur parti des ressources rares se fait par le biais de politiques conçues pour sauver le plus de vies. Mais de telles politiques peuvent entrer en conflit avec le but de sauver des personnes avec déficiences qui pourraient avoir besoin de plus de temps avec un respirateur qu’une personne non handicapée.
    • Lorsque la maximisation des ressources se fait en économisant le plus « d’années de vie » possible, cela pénalise les personnes handicapées, qu’elles décèdent plus tôt ou que les médecins supposent qu’elles mourront plus tôt en raison d’une déficience.
    • La promotion et la récompense d’activités qui profitent aux autres se font généralement en accordant une priorité plus élevée aux personnes qui travaillent dans des professions d’aide ou dans la fonction publique, comme les travailleurs de la santé, la police et les pompiers. Si une personne ayant une incapacité n’est pas en mesure de travailler, il est probable qu’elle obtienne un grade inférieur.
  • L’AMC propose six recommandations. Nous avons essayé de simplifier le langage pour le rendre compréhensible; nous espérons avoir capturé les significations subtiles.
  • La recommandation 1 comprend plusieurs parties:
    • « La valeur de la maximisation des avantages est la plus importante. » Cela signifie « sauver le plus de vies » et aider chaque personne à vivre le plus longtemps possible. Cette opinion est partagée par la plupart des experts.
      • Notre commentaire: C’est là qu’un accommodement raisonnable (comme accorder à une personne handicapée plus de temps sur un respirateur) serait nécessaire pour prévenir la discrimination.
    • Les professionnels de la santé ne devraient pas calculer la « qualité de vie » et les « années de vie ajustées en fonction de la qualité », car cela prend trop de temps.
      • Notre commentaire: Cela correspond au point 2 du cadre d’évaluation des plans de soins en situation de crise dont nous avons parlé la semaine dernière.
    • Tous les patients, en particulier ceux confrontés à la possibilité de soins intensifs, sont encouragés à dire dans une directive préalable sur les soins quelle qualité de vie ils considèreraient comme acceptable et quand ils refuseraient les respirateurs ou autres traitements de survie.
      • Notre commentaire: Tout comme le protocole de triage de l’Ontario que nous avons examiné la semaine dernière, la recommandation de l’AMC fait pression sur les gens pour qu’ils renoncent à leur droit à des soins médicaux vitaux.
    • Les personnes malades mais qui pourraient guérir si elles sont traitées ont la priorité sur celles qui ont peu de chances de guérir même si elles sont traitées.
      • Notre commentaire: Le cadre d’évaluation et les autres politiques visant à prévenir la discrimination fondée sur le handicap appellent à « une évaluation de la capacité de [chaque] patient à bénéficier d’un traitement ».
    • Le retrait d’un patient d’un respirateur ou d’un lit de soins intensifs pour le fournir à d’autres personnes dans le besoin peut également être justifié.
    • De nombreuses directives conviennent que la décision de retirer une ressource rare pour sauver les autres n’est pas un acte de mise à mort et ne nécessite pas le consentement du patient.
  • Recommandation 2: Les ressources limitées devraient d’abord aller aux travailleurs de la santé de première ligne, aux premiers intervenants et aux personnes qui assurent le fonctionnement des services publics et des systèmes importants. Les personnes riches, célèbres ou puissantes ne devraient pas bénéficier d’une priorité particulière.
  • Recommandation 3: L’égalité devrait être assurée par une répartition aléatoire par loterie, plutôt que sur la base du premier arrivé, premier servi (PAPS).
    • Le PAPS favorise les personnes qui vivent dans les villes ou à proximité des centres de santé.
    • Le PAPS encourage le surpeuplement lorsque les gens se précipitent pour obtenir des vaccins ou des fournitures rares, ce qui peut conduire à la violence.
    • Cela pénalise également les personnes qui ont évité de tomber malades parce qu’elles sont restées à l’écart des autres.
  • Recommandation 4: Les lignes directrices pour savoir qui obtient quelle ressource seront différentes selon la ressource et devraient être fondées sur des preuves scientifiques. Étant donné que les personnes âgées sont plus susceptibles de tomber malades et d’avoir de moins bons résultats, elles devraient bénéficier d’une priorité plus élevée pour une aide axée sur la prévention et le dépistage, comme les vaccins. D’un autre côté, les jeunes, qui sont plus susceptibles de bénéficier de traitements visant à guérir la maladie, devraient bénéficier d’une priorité plus élevée pour les lits en USI et les respirateurs.
    • Notre commentaire: Cette recommandation semble utiliser des catégories pour empêcher l’accès aux ressources rares, au lieu d’examiner la capacité de chaque personne à récupérer.
  • Recommandation 5: Les personnes qui participent à des recherches pour prouver l’innocuité et l’efficacité des vaccins et des traitements devraient avoir la priorité sur les personnes similaires qui n’ont pas participé aux essais cliniques.
  • Recommandation 6: Il ne devrait pas y avoir de différence dans l’allocation des ressources rares entre les personnes atteintes de Covid-19 et celles souffrant d’autres problèmes de santé.

NDY BLOGUE SUR LA PLAINTE CONCERNANT LE PROTOCOLE D’ALLOCATION DES RESPIRATEURS DE NEW YORK

  • Cette semaine, la PDG de Not Dead Yet, Diane Coleman, a écrit sur le blogue de NDY une plainte fédérale déposée contre le ministère de la Santé de l’État de New York au sujet de ses directives d’allocation des respirateurs rédigé en 2015. La plainte affirme que les lignes directrices de New York « disqualifient de nombreuses personnes handicapées de l’accès au respirateur simplement parce qu’elles ont des conditions sous-jacentes qui peuvent intensifier les symptômes et ralentir la récupération, ce qui viole à la fois l’ADA et l’article 504 [de « Rehabiliation Act »]».
  • Les lignes directrices de New York utilisent le score SOFA, ou « Sequential Organ Failure Assessment », où « les personnes atteintes de conditions préexistantes recevront par défaut des scores SOFA plus élevés (pires) ». Les personnes handicapées « peuvent vivre au jour le jour sans aucune complication, mais avec une condition qui présente des anomalies dans un ou plusieurs des six organes et systèmes clés mesurés à l’aide de [l’échelle] SOFA. Ces personnes seraient désavantagées dans une situation de triage avant d’envisager tout symptôme résultant directement du COVID-19 ».
TVNDY