Archive des webémissions: Une revue de la tutelle

Cette semaine, nous examinons la conformité du Canada avec l’article 12 de la CDPH, ainsi qu’une brève mise à jour sur l’affaire Cadotte.

Dans cet épisode de l’Euthanasie et l’incapacité, Amy Hasbrouck, Christian Debray et Taylor Hyatt discutent:

  • Une revue de la tutelle
  • Cadotte est condamné à deux ans pour l’homicide involontaire

Veuillez noter que ceci n’est qu’un script et notre webémission inclut des commentaires additionnels.

UNE REVUE DE LA TUTELLE

  • Fin d’avril, nous avons discuté de la visite du Rapporteur spécial des Nations Unies au Canada. Dans la déclaration résumant ses conclusions, Mme Catalina Devandas Aguilar dit que « les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial se voient systématiquement refuser la capacité juridique en vertu de régimes décisionnels de substitution, comme la tutelle et la curatelle, » dont 21 000 personnes en Ontario et 34 000 au Québec sont touchées.
  • Il y a quelques années, l’Association canadienne pour l’intégration communautaire a publié un document de politique expliquant que, dans des cadres décisionnels substituts tels que la tutelle, une personne « n’a aucun pouvoir pour prendre une décision sur ce qui lui est important, pour contrôler cette décision ou même pour l’influencer. » Les régimes de la prise de décision substitue mène les autres à penser que la personne « n’est pas un individu à part entière, mais plutôt un objet qui doit être géré par d’autres. »
  • Mme Devandas a souligné que des programmes de prise de décision accompagnée « réussies » existent déjà en Colombie-Britannique, bien que ces programmes manquent « d’un cadre juridique » qui leur permettrait d’être offerts à plus grande échelle. Elle souligne que « toutes les lois [provinciales et territoriales] sur la capacité juridique contredisent l’article 12 de la Convention sur les Droits des Personnes Handicapées (CDPH). »
  • La prise de décision accompagnée est une alternative à la tutelle qui respecte les droits de la personne, en lui permettant d’avoir la dernier mot dans le plus grand nombre de domaines de la vie possible. Contrairement aux peurs courantes, un véritable processus décisionnel est pris en charge lorsque, comme le précise un article de la revue Psychiatry, Psychology and Law, « l’individu est aidé à prendre conscience de ses responsabilités et des implications de son choix. »
  • Bien que la prise de décision assistée soit plus connue dans le contexte de l’incapacité intellectuelle, les personnes ayant une déficience psychiatrique en bénéficient également. L’article de la revue indique que les procédures canadiennes n’ont pas été conçues dans l’optique d’un « stress mental extrême. » Avoir de la difficulté à prendre des décisions ne signifie pas qu’une personne devrait être privée du droit de diriger sa vie.
  • L’article 12 appelle les États membres à prendre les mesures suivantes:
    • Réaffirmer que « les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique. »
    • Reconnaitre que « les personnes handicapées jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres »;
    • Donner aux personnes handicapées « l’accès à l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique »
    • Faire « en sorte que les mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique soient assorties de garanties appropriées et effectives pour prévenir les abus. » Ces protections doivent garantir que les lois connexes:
      • « respectent les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée »;
      • « soient exemptes de tout conflit d’intérêts et ne donnent lieu à aucun abus d’influence »;
      • « soient proportionnées et adaptées à la situation de la personne concernée »;
      • « s’appliquent pendant la période la plus brève possible »; et
      • « soient soumises à un contrôle périodique effectué par une [autorité] compétente, indépendante et impartiale. »
    • Enfin, les États doivent « garantir le droit qu’ont les personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, de posséder des biens ou d’en hériter, de contrôler leurs finances et d’avoir accès aux mêmes conditions que les autres personnes aux prêts bancaires, hypothèques et autres formes de crédit financier. » Les États doivent aussi « veiller à ce que les personnes handicapées ne soient pas arbitrairement privées de leurs biens. » Consultez notre webémission du 2 novembre 2018 pour en savoir plus.
  • Le Canada a ratifié la CDPH en 2010. Toutefois, les responsables ont également formulé une réserve sur le paragraphe 4 de l’article 12: « Le Canada se réserve le droit de continuer l’utilisation de telles mesures dans des circonstances appropriées et sujet à ce qu’elles soient assorties de garanties appropriées et effectives. »
  • Le Canada se réserve aussi « le droit de ne pas soumettre toutes ces mesures à un contrôle périodique effectué par un organe indépendant, lorsque de telles mesures sont déjà assujetties à un contrôle ou un appel. » Mme. Devandas a fortement encouragé le Canada à retirer sa réservation « et accélérer le processus pour éliminer toute forme de régime de prise de décisions substitutive dans le pays. »
  • Chaque province a sa propre approche en matière de tutelle et de capacité juridique; le Centre des droits de la personne et du pluralisme juridique de l’Université McGill les a résumés dans une soumission au Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies:
    • La loi manitobaine reconnaissant la prise de décision assistée s’applique uniquement aux personnes ayant une déficience cognitive – elle n’inclut pas les incapacités psychiatriques.
    • La loi de la Colombie-Britannique autorise un représentant à « jouer le rôle de passerelle » entre la personne handicapée et les tiers qui s’occupent des « soins de santé, des soins de la personne, des affaires juridiques [et] des affaires financières. » À titre des balises, les décisions financières doivent impliquer un contrôleur ou au moins deux représentants.
    • La loi albertaine ne couvre que la prise de décision accompagnée concernant les affaires personnelles, plutôt que la propriété.
    • Le Québec a deux niveaux de la tutelle:
      • Un tuteur représente légalement une personne qui manque de capacité « de façon partielle ou temporaire ». Le tuteur n’a pas besoin de représenter la personne à tout moment – il est possible pour la personne de prendre des décisions sans implication ni aide de la part du tuteur.
      • Un curateur représente une personne qui manque de capacité de manière permanente, dans tous les domaines de la vie.
      • Les tuteurs et les curateurs peuvent s’occuper des affaires quotidiennes de la personne, de leurs biens ou les deux. Les tuteurs doivent « faire les gestes nécessaires à la conservation et à l’entretien de ces biens. »
      • Le tuteur ou le curateur doit approuver tout traitement médical proposé au nom de la personne, en s’assurant que le traitement « sera bénéfique à la personne représentée, opportun dans les circonstances » et que tous les risques sont proportionnels aux avantages potentiels.
      • Le tuteur ou le curateur doit également représenter la personne dans toute action en justice.
      • Un conseil de tutelle composé de trois parents ou amis surveille et aide le tuteur ou curateur, en précisant notamment ce que le tuteur est autorisé à faire pour la personne à leur charge. Le conseil peut également demander aux tribunaux provinciaux de remplacer un tuteur qui ne s’acquitte pas de ses responsabilités.
    • L’Ontario a trois lois sur la prise de décision:
      • La loi sur la prise de décisions au nom d’autrui concerne la gestion de la propriété, les soins personnels, les tuteurs et les procurations. En vertu de cette loi, la capacité est liée aux capacités cognitives (soit la personne a ces capacités, soit elle ne les a pas) plutôt que reconnaître la capacité comme inhérente à tout le monde. Par conséquent, les besoins des personnes dont les conditions entraînent une modification de leurs capacités décisionnelles ne sont pas pris en compte. Rien n’empêche la capacité d’une personne d’être remise en question en vertu de cette loi simplement parce qu’elle a une déficience.
      • La Loi sur le consentement aux soins de santé concerne le consentement à un traitement médical et « l’admission dans un centre de soins de longue durée».
      • La loi sur la santé mentale concerne la capacité d’une personne à gérer des biens lorsqu’elle entre dans ou quitte un établissement psychiatrique.
  • La tutelle peut être une question de vie ou de mort. Les événements entourant la mort de Terri Schiavo en 2005 découlaient directement d’un conflit entre son mari, qui était le tuteur de Terri, et sa famille, qui croyait qu’en tant que personne en situation de handicap, Terri avait droit à un traitement de survie.
  • Les questions entourant la prise de décision assistée lorsqu’une personne est suicidaire ou demande le SA & E ont reçu peu d’attention.
    • Quel est le lien entre la dignité du risque et le désir d’une personne de se faire du mal intentionnellement?
    • Que se passe-t-il si le désir de la personne pour le SA & E est un symptôme de la déficience qui limite sa capacité de décision?
    • Si la personne est soumise à un système décisionnel substitué, le simple fait d’être sous tutelle peut automatiquement la rendre inéligible au SA & E; est-ce une bonne chose?
    • Quelles protections garantiront que la partie qui « aide » à prendre la décision de demander le SA & E accorde suffisamment d’importance à la vie de la personne handicapée pour qu’elle poursuive la prévention du suicide ou toute autre solution de remplacement du SA & E?

CADOTTE EST CONDAMNÉ À DEUX ANS POUR UN HOMICIDE INVOLONTAIRE

  • Michel Cadotte, qui avait été reconnu coupable d’homicide involontaire à la suite du décès de son épouse, Jocelyne Lizotte, par suffocation en février 2017, a été condamné cette semaine à deux ans de prison et trois ans de probation.
  • Le juge dans l’affaire a qualifié les agissements de M. Cadotte de « quasi-meurtre » puisqu’il avait l’intention de tuer sa femme, même si son état d’esprit était affecté.
  • Entre-temps, un rapport d’expert, qui devrait paraître prochainement, devrait recommander au Québec d’autoriser l’euthanasie par directive préalable, même s’ils ne sont pas en mesure de confirmer qu’ils souhaitent toujours mourir au moment de l’homicide.
TVNDY