Archive des webémissions: La communication – une question de vie ou de mort

Cette semaine, nous discutons de l’importance de pouvoir communiquer et de demander aux autres de prendre vos messages au sérieux.

Dans cet épisode de l’Euthanasie et l’incapacité, Amy Hasbrouck, Christian Debray et Taylor Hyatt discutent:

  • La communication: une question de vie ou de mort

Veuillez noter que ceci n’est qu’un script et notre webémission inclut des commentaires additionnels.

LA COMMUNICATION : UNE QUESTION DE VIE OU DE MORT

  • Cette semaine, nous discutons le lien entre les troubles de la communication, la communication augmentative et alternative (la CAA) et les situations où la vie d’une personne pourrait être en danger par manque d’accès à la communication.
  • La communication a deux composantes: réceptive et expressive. La communication réceptive comprend l’interprétation et la compréhension de l’information fournie, en plus de sa perception. Une personne sourde ne percevra pas la langue parlée, mais pourra interpréter et comprendre une langue gestuelle, alors qu’une personne aphasique pourra être en mesure d’entendre que quelqu’un parle, mais sera incapable d’interpréter ou de comprendre le sens des mots. La communication expressive inclut la capacité à transformer des pensées et des sentiments dans un langage et à générer les symboles ou paroles parlés, écrits ou gestuels destinés à transmettre ces pensées et ces sentiments d’une manière que les autres comprendront.
  • Les déficiences qui peuvent nuire à l’efficacité de la communication (de façon temporaire ou permanente) incluent des limitations auditives et visuelles, l’autisme, les lésions cérébrales et les accidents vasculaires cérébraux, la démence, les déficiences cognitives, la paralysie cérébrale, la sclérose latérale amyotrophique, la sclérose en plaques, les lésions des organes de la parole et l’utilisation d’appareils respiratoires. Ne pas savoir parler la langue locale peut aussi empêcher la communication, mais ce n’est pas considéré comme un handicap.
  • Les mythes et les préjugés peuvent également entraver la communication:
    • Les personnes qui ne connaissent pas certaines déficiences de la parole supposent souvent que le locuteur est saoul.
    • Avoir une déficience de la parole est aussi assimilé à tort à une déficience cognitive.
    • En milieu médical, l’incapacité de parler peut être confondue avec un manque de conscience, de compréhension, d’opinion ou de capacité. De telles hypothèses peuvent conduire à des diagnostics erronés, à l’imposition d’un décideur substitut, au retrait des soins de survie et à la mort.  Une personne peut ne pas répondre car elle ne dispose pas des outils nécessaires pour exprimer ses pensées et ses sentiments d’une manière que les autres peuvent comprendre.
    • Une personne peut refuser l’assistance respiratoire en apprenant que cela affecterait sa capacité à parler. Les personnes nouvellement handicapées sont plus susceptibles d’ignorer la CAA ou de la considérer comme un substitut inacceptable à la communication verbale.
    • L’équipement de communication ne doit pas nécessairement être compliqué ou coûteux. De nombreuses applications gratuites sont disponibles pour les tablettes et les téléphones intelligentes, et la CAA peut être aussi simple qu’une feuille de papier avec des mots ou des images dessus.
  • Une organisation appelée « Communication Disabilities Access Canada » (CDAC, en anglais seulement) avoue que toute personne ayant une déficience de communication à le droit aux soutiens nécessaire pour:
    • Comprendre ce que dit une autre personne;
    • Communiquer leurs messages aux autres;
    • Utiliser les méthodes de communication qui leurs conviennent le mieux;
    • Rejoindre une organisation par téléphone ou autre moyen alternatif;
    • Communiquer efficacement lors de réunions et d’événements publics;
    • Lire ou comprendre les documents écrits de l’organisation;
    • Utiliser des sites Web et des médias sociaux; et,
    • Remplir les formulaires d’une organisation, prendre des notes et signer des documents.
  • Dans les situations « critiques, » telles que les domaines de santé ou juridique, les personnes ont le droit à:
    • Des procédures, des politiques et le soutien à la communication pour s’assurer qu’ils puissent donner un consentement éclairé;
    • Un intermédiaire de communication pour les aider à communiquer » et;
    • Nommer une personne de confiance pour les aider à la prise de décision et dans les négociations complexes d’obtenir des services.
  • Comme décrit par CDAC, on ne sait pas exactement dans quelle mesure ces « droits » s’étendent, quelles obligations ils imposent et où se situent ces obligations.
  • L’Americans with Disabilities Act exige que les agences des États et des administrations locales, ainsi que les entreprises et les organisations à but non lucratif au service du public, assurent une « communication efficace. » Ce qui sera « efficace » dans une situation donnée dépend de « la nature, la durée, la complexité et du contexte de la communication, ainsi que des méthodes de communication habituelles de la personne. » Ainsi, l’échange de messages texte peut être approprié pour demander un renouvellement de la prescription, mais il ne serait pas une « communication efficace » pour consulter un avocat lors de la rédaction d’un testament. De même, bien qu’un menu en Braille puisse être utile à certaines personnes aveugles, de nombreuses personnes malvoyantes n’ont jamais appris le Braille et auraient besoin d’un aménagement différent.
  • Par ailleurs, la nouvelle Loi canadienne sur l’accessibilité exige que les organisations appartenant au gouvernement fédéral ou gérées par lui (telles que les banques, l’Office des transports du Canada, les Forces canadiennes, le gendarmerie royale du Canada, les sociétés d’État et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) éliminent les obstacles à l’accessibilité dans divers domaines; « l’Information et communication » (c’est-à-dire la technologie) et « communication » (l’envoi et la réception d’informations) sont deux d’entre elles. Le préambule du projet de loi préconise une « approche proactive et systémique » pour éliminer les obstacles, bien que (contrairement à l’ADA), il n’y a aucune exigence quant à la manière de traiter les obstacles de communication.
  • Dans une lettre adressée à la ministre Carla Qualtrough, le groupe « Communication Disabilities Access Canada » a suggéré plusieurs améliorations au projet de loi C-81 l’année dernière. Seule la recommandation visant à ajouter « communication » en tant que domaine plus vaste nécessitant des mesures d’accessibilité a été intégrée au projet de loi.
  • Les lois provinciales, qui régissent la plupart des services que les gens utilisent quotidiennement, sont incohérentes.. La Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario exige des organisations à fournir les « aides à la communication » nécessaires dans le cadre de sa norme d’information et de communication. De la définition des aides à la communication on « s’entend notamment du sous-titrage, de la communication suppléante et alternative, du langage clair, du langage gestuel et d’autres aides qui facilitent une communication efficace du sous-titrage, de la communication suppléante et alternative, du langage clair, du langage gestuel et d’autres aides qui facilitent une communication efficace. » Comme les lois de la Nouvelle-Écosse et du Manitoba sont relativement nouvelles, leurs normes sont encore en cours d’élaboration.
  • Que se passe-t-il lorsqu’une personne ayant une déficience de communication se retrouve dans une institution en raison d’une crise de santé?
    • Le personnel des hôpitaux et des établissements de soins de longue durée prend rarement du temps ou a la patience nécessaires pour explorer les moyens de communication. Il pourrait croire (à tort) que seul un équipement spécialisé peut répondre aux besoins d’une personne.
    • Une analyse bibliographique réalisée par Stephanie Amundsen, de l’Université de Floride, a révélé que les personnes hospitalisées qui ont besoin d’un soutien de communication mais qui ne le reçoivent pas risquent davantage de se sentir impuissantes, craintives et anxieuses. Les barrières de communication affectent également les interactions entre les infirmières et les personnes qu’elles prennent en charge; les infirmières sont plus susceptibles de communiquer « positivement et efficacement » avec des personnes qui peuvent communiquer facilement. Les infirmières reçoivent peu de formation en communication non verbale, ce qui peut accroître la frustration des deux parties.
    • Selon une autre étude de Jonathan Todd Sizemore de l’Université Eastern Kentucky, un manque d’aides à la communication peut également entraîner « des erreurs médicales, de la douleur inutile, de la confusion quant au régime de médication, des peurs non résolues, des questions sans réponses et des violations des droits de la personne. »
    • Des interprètes impartiaux et des aides à la communication efficaces permettent à une personne de faire connaître ses besoins et ses souhaits concernant ses propres soins. L’examen de Mme Amundsen a montré qu’une meilleure communication entraînait une amélioration de la qualité de vie; l’anxiété de la personne est réduite et des situations de détresse réglés rapidement. En milieu hospitalier, les outils permettant d’améliorer la communication peuvent être aussi simples qu’un bouton permettant d’appeler une infirmière.
  • L’écrivain Mel Baggs, qui a plusieurs handicaps, a décrit sur son bloguel’adaptation de son dispositif AAC pour définir et appliquer ses limites personnelles.
  • Après avoir été harcelée par un étranger à l’extérieur de sa maison, Mel a réfléchi à l’importance de communiquer d’une manière qui ne soit pas considérée comme « polie, » y compris des boutons pour des messages tels que « Éloignez-vous! » et « Laissez-moi tranquille. » des phrases plus fortes, telles que « Ne me prenez pas de haut » et « Fous le camp! » dans l’appareil.
  • Mel a exprimé sa frustration face à l’attente selon laquelle les personnes avec déficiences devraient être « douces », dociles et passives face à un comportement invasif. « Pouvoir dire “non”, pouvoir jurer, dire aux gens “allez-vous en!” et “laissez-moi tranquille”, voilà quelques-unes des choses les plus importantes que les personnes ayant des troubles de la communication peuvent apprendre à dire. Mais souvent, les gens ne nous apprennent pas ce genre de choses, ils ne veulent pas que nous le sachions. »
  • L’accès à la CAA joue également un rôle important dans les décisions de fin de vie:
    • Les personnes confrontées à des difficultés de communication nouvellement acquises peuvent se sentir paniquées à la fois par leur incapacité à faire connaître leurs besoins et par la façon dont leurs tentatives de communication sont négligées, ignorées ou mal comprises.  Dans ce contexte, permettre à la personne de participer pleinement aux discussions sur les décisions de fin de vie revêt une urgence encore plus grande.
    • La dernière « sauvegarde » mentionnée dans le projet de loi C-14 (qui est en réalité une mesure d’accessibilité) exige du médecin de « fournir un moyen de communication fiable afin qu’elle puisse comprendre les renseignements qui lui sont fournis et faire connaître sa décision. »  Il y a quelques problèmes qui doivent être mentionnés ici.
      • Mettre l’accès à la communication en dernière position montre que la priorité la plus basse est donnée à la communication.
      • Fournir un accès à la communication en tant que première étape du processus de demande et de détermination de l’éligibilité conviendrait de mettre l’accent sur l’importance d’une communication claire dans la prise de décision en fin de vie.
      • La loi n’exige pas que l’aide à la communication fournie soit impartiale et efficace. Par exemple, on demande souvent aux membres de la famille de « parler au nom » d’une personne avec une déficience, quels que soient leur conflit d’intérêts potentiel, leurs opinions sur la qualité de vie de cette personne ou leurs hypothèses sur les souhaits et les besoins de cette personne.
    • L’examen de Mme Amundsen a également montré qu’en l’absence d’un système de communication efficace pour une personne hospitalisée, « les décisions sont souvent prises par les membres de la famille et même par les professionnels de la santé. C’est déconcertant, car les souhaits du patient et de leur famille ne coïncident pas toujours. » Une étude auprès de 31 utilisateurs de respirateurs cité dans l’examen a révélé que moins de la moitié « étaient directement impliqués dans [leurs] décisions en matière de soins de santé. »
  • Avant sa mort, Carrie Ann Lucas a écrit sur la perte de privilège de communication; plaider en faveur d’un changement de politique, représenter les clients en tant qu’avocat, défendre les intérêts de ses enfants, et diriger ses préposés. Elle avait un excellent appareil de communication et l’utilisait bien; ce n’était pas le problème. Le privilège qu’elle a perdu est un aspect essentiel de la communication qui dépasse les processus expressifs et réceptifs; être écouté et respecté par son partenaire de communication. En fin de compte, même le message le plus clair transmis par le dispositif de communication le plus avancé ne peut pas ouvrir l’esprit fermé.
TVNDY