Archive des webémissions: Les rapports du CAC – Partie II – Les demandes anticipées

Nous examinons aujourd’hui le rapport du Conseil des académies canadiennes sur les demandes anticipées et les préjugés des auteurs à l’égard des déficiences cognitives.

Dans cet épisode de l’Euthanasie et l’incapacité, Amy Hasbrouck, Taylor Hyatt et Christian Debray discutent:

  • Les rapports du CAC – Une politique sur nous sans nous – Partie II – Les demandes anticipées

Veuillez noter que ceci n’est qu’un script et notre webémission inclut des commentaires additionnels.

LES RAPPORTS DU CAC : UNE POLITIQUE SUR NOUS SANS NOUS – PARTIE II : LES DEMANDES ANTICIPÉES

  • Aujourd’hui, nous continuons notre série sur les rapports du Conseil des académies canadiennes sur l’élargissement de l’admissibilité à l’aide au suicide assisté et à l’euthanasie (le SA & E) en examinant les demandes d’euthanasie faites avant qu’une personne perde de sa capacité à prendre des décisions.
  • Le document « Demandes anticipées » est fondé sur l’hypothèse selon laquelle une personne sensé ne voudra jamais vivre avec une démence. Cela semble un peu étrange, étant donné que les auteurs eux-mêmes évoquent le « paradoxe du handicap » (p. 58), dans lequel les personnes avec déficiences « déclarent vivre une bonne ou une excellente qualité de vie, alors que pour la plupart des observateurs externes, ces personnes semblent vivre une vie quotidienne indésirable. »
    • Les auteurs exposent les côtés du « débat philosophique » (p. 56-57) sur la question de savoir si le moi actuel doit contrôler le destin de son moi futur, en se basant sur les valeurs qu’il détient (y compris les points de vue négatifs sur le handicap). Ou alors, faut-il laisser le futur lui-même changer d’avis quant à sa volonté de mourir, en fonction de nouvelles expériences, d’informations et de nouveaux sentiments.
      • Ce n’est pas une discussion théorique, mais une question de vie ou de mort pour de vraies personnes.
      • Le paradoxe du handicap prédit que la future personne pourrait bien avoir une opinion plus positive de sa vie que ce que le moi actuel attend.
    • Les auteurs rapportent sans conteste les craintes des personnes non handicapées, selon lesquelles vivre avec une démence doit être si horrible que la mort serait préférable. Ces préoccupations sont généralement fondées moins sur ce que les personnes atteintes de démence éprouvent réellement que sur les sentiments de leurs proches au sujet des changements dont elles sont témoins. Comme tout autre handicap, les personnes peuvent s’adapter à la démence avec du temps et des soutiens appropriés.
    • Le Conseil n’explore pas non plus l’expérience subjective de première main de la démence. Nous ne savons pas:
      • si la démence peut se permettre des expériences positives; comme profiter des expériences sensorielles et vivre plus pleinement dans le moment.
      • quelles options créatives sont disponibles pour gérer les symptômes qui sont désagréables pour la personne, lorsque l’objectif du traitement n’est pas de rendre la personne soumise et inconsciente, ou
      • quels avantages pourrait-on retirer de ne plus avoir à se conformer aux attentes de la société.
    • Le rapport indique « comme il est impossible d’estimer ce soulagement pour les patients décédés, » (p. 152). Les auteurs semblent oublier que, pour sentir un soulagement (ou quoi que ce soit), une personne a besoin être en vie.
  • Les directives préalables sont également proposées comme « échappatoire » à d’autres situations que les déficiences cognitives:
    • Le Conseil mentionne que « dépendre de l’alimentation et de l’hydratation artificielles » (p. 81) est l’un des destins insupportables qui peuvent inspirer quelqu’un à créer une directive préalable, même si l’aide alimentaire est utilisée par de nombreuses personnes handicapées sur une base continue.
    • Une « déficience mentale ou physique grave sans probabilité raisonnable de rétablissement » (p. 107) est le destin à éviter selon une étude menée en Ontario.
  • La discussion sur la planification préalable des soins a une portée limitée et contient ce que nous croyons être une erreur importante:
    • Les auteurs indiquent : « Les objectifs de soins et les ordonnances de non-réanimation ne sont généralement pas considérés comme des directives anticipées parce qu’ils constituent des outils utilisés dans les hôpitaux par les équipes de soins pour guider et documenter les discussions sur les plans de traitement.» (p. 41). Ce n’est pas vrai.  En réalité, ces documents servent généralement d’instructions spécifiques quant aux traitements de sauvetage à administrer et à retenir.
    • En outre, les auteurs ne tiennent pas compte de plusieurs types de directives préalables, telles que les ordonnances médicales de traitement et maintien de vie les formulaires de niveau d’intervention, etc. Comme nous en avons déjà parlé, ces formulaires contiennent souvent des préjugés contre les soins vitaux.
    • Les auteurs n’ont trouvé que dix affaires judiciaires lorsqu’ils ont cherché dans la base de données de CanLII l’expression « advance directive (directive anticipée); » (p. 103), nous avons effectué la même recherche et avons trouvé 406 affaires. De toute évidence, certains de nos résultats n’étaient ni exacts ni concis (par exemple, « avancés directement ») et nous ne pouvons expliquer la différence. Mais le problème est le suivant: l’étude d’une liste aussi étroite de cas aborde-t-elle vraiment les problèmes en jeu?
    • La définition inexacte et la recherche restreinte jettent un doute sur la conclusion du rapport selon laquelle les directives préalables « ont occasionnellement des effets positifs, la plupart du temps équivoques et jamais négatifs sur l’état du patient » (p. 94).
  • On discute peu l’impact des opinions négatives du handicap des médecins ou des membres de la famille sur le processus décisionnel.
    • Les auteurs estiment « [Qu]’il est difficile de déterminer si autoriser les demandes anticipées d’AMM se traduirait par une dévaluation de la vie des gens souffrant d’un déclin neurocognitif. » (p. 159) Lorsque des personnes avec déficiences dénoncent la dévaluation et la discrimination à laquelle elles ont été confrontées, il est considéré comme un problème individuel plutôt que comme un problème systémique.
    • « L’autonomie relationnelle, » l’idée que la prise de décision a lieu dans nos cercles sociaux (qui rend « impossible de véritable individualisme), » est discutée dans le contexte de la discrimination à l’égard des femmes. (p. 54) Pourtant, les effets de la discrimination fondée sur le handicap sont ignorés.
    • Un article de journal cité dans le rapport vient très près d’insinuer qu’il y a un devoir de mourir quand son existence n’est plus bonne  pour vos proches. «L’évitement de la souffrance n’est pas la principale raison pour laquelle de nombreuses personnes [font] une [directive avancée] pour cause de démence … La personne peut simplement vouloir que sa vie ne se termine pas par … [être une] charge de proches dévoués … même si vos faibles réactions ne leur offriront que peu ou pas de gratification » (p. 79) Le même article est cité encore: « une demande anticipée d’euthanasie d’un “patient atteint de démence, mais heureux” constituerait un grand défi » (p. 75).
    • Le groupe de travail souligne que l’élargissement de l’admissibilité à l’euthanasie pour soulager la détresse des membres de la famille ou des aidants, plutôt que de la personne elle-même, est une proposition dangereuse. Les auteurs ont fait remarquer que si « l’exigence du consentement exprès immédiatement avant la procédure » (nous croyons qu’il faut lire : l’exigence du consentement immédiatement avant la procédure) était supprimée, « la loi provinciale ou territoriale pourrait permettre à un mandataire de formuler une demande d’AMM au nom d’une autre personne » (p. 53).
  • Bien que les soins soient décrits comme un fardeau, le rapport n’offre aucune solution.
    • Le Conseil omet de noter le manque d’assistance personnelle à domicile dirigée par le consommateur. Ils ne reconnaissent pas que cette lacune reflète les croyances obsolètes et médicalisées qui maintiennent les personnes en institution, ainsi que l’opinion selon laquelle la prestation de soins incombe principalement aux membres de la famille (de sexe féminin).
    • Les auteurs ne reconnaissent pas non plus la peur que beaucoup de personnes craignent d’être « incarcérées » dans des établissements. Le rapport dit: « le placement dans une maison de soins infirmiers seuls est insuffisant pour présumer une souffrance intolérable, l’euthanasie décidée sur cette seule condition a été jugée problématique » (p. 144). Pourtant, c’est essentiellement l’argument posé par des personnes comme Jean Truchon et Nicole Gladu; la mort est préférable pour eux que de vivre dans une maison de retraite. Affirmer qu’ils devraient pouvoir prétendre à l’euthanasie, c’est affirmer que la société préfère tuer des personnes plutôt que de fournir des services d’assistance personnelle autogérée à domicile. Est-ce ce que nous voulons vraiment dire cela?
  • Les professionnels de la santé ne répondent pas aux normes de base des soins.
    • Comme nous l’avons mentionné le 11 janvier, entre 2011 et 2018, les médecins néerlandais se sont conformés aux exigences en matière de diligence raisonnable dans seulement 12 des 16 cas où la capacité de décision de la personne était douteuse. (p. 141) Ce n’est que 75% de conformité. Les cliniques néerlandaises de fin de vie étaient également «impliquées dans 19% des cas [lorsque] les critères de diligence n’avaient pas été remplis» bien qu’elles aient traité moins de 5% de tous les cas d’euthanasie. (p. 145).
    • Les auteurs proposent «certaines mesures de précaution» pour réduire les dangers liés au magasinage de médecin (p. 145). Cependant, les taux élevés de non-conformité observés dans les cliniques d’euthanasie prouvent le dicton selon lequel on peut mettre du rouge à lèvres sur un cochon… mais c’est toujours un cochon.
  • De nombreuses personnes (y compris certaines personnes avec déficiences) classent différentes incapacités de désagréable à éviter absolument; généralement, les déficiences cognitives se situent au pire. Le plus gros problème de ce rapport est son incapacité totale à imaginer un monde où les personnes obtiendront le soutien dont elles ont besoin où la démence n’est pas la pire chose qui puisse arriver à une personne. Il est extrêmement décevant qu’un rapport, censé être «le dernier mot» sur le sujet, fasse si peu pour remettre en question des manières dépassées de considérer la démence et l’incapacité.
TVNDY