Dans sa décision de 2015 dans l’affaire Carter c.Procureur général qui a annulé l’interdiction de l’aide médicale à mourir, la Cour suprême a déclaré que la protection des personnes «vulnérables» (comme les aînés, les femmes, les personnes LGBTQI et handicapées, les autochtones et les personnes de couleur) nécessiterait « un régime soigneusement conçu, qui impose des limites strictes scrupuleusement surveillées et appliquées ». Ça fait du sens. Si la société veut renverser la politique publique et permettre aux médecins de tuer des gens plutôt que de les aider à vivre, il semblerait logique de mettre en place toutes les garanties possibles, puis d’examiner attentivement comment ce programme fonctionne dans la pratique, pour être sûr que les garanties fonctionnent comme annoncé.
Cela paraît logique, à moins qu’on ne soit le Parti libéral du Canada, le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois. Ces champions des libertés individuelles ont déterminé qu’il était approprié d’aller de l’avant et d’élargir l’accès à l’euthanasie avant de procéder à l’examen quinquennal requis par la loi de 2016 sur l’aide médicale à mourir (AMM). Ils veulent limiter la portée de cet examen mandaté afin de regarder seulement l’élargissement de l’éligibilité à de nouvelles populations, et éliminer tout examen du fonctionnement de la loi sur l’AMM dans la pratique.
Le projet de loi C-7, qui est accéléré par le gouvernement libéral pour respecter l’échéance du 18 décembre imposée par la cour, élargirait l’accès à l’euthanasie au-delà de ce qui était demandé dans le décision Truchon c. procureur général. La Cour supérieure du Québec dans l’arrêt Truchon a invalidé l’exigence selon laquelle la mort naturelle de la personne doit être « raisonnablement prévisible » et le gouvernement libéral de Justin Trudeau a choisi de ne pas interjeter appel. En ce faisant, le gouvernement Trudeau a signalé qu’il approuvait l’euthanasie des personnes handicapées qui ne sont pas en fin de vie, que la « période d’attente » de 90 se trouve ou non dans la version finale du projet de loi C-7 et résiste à l’examen judiciaire. Le projet de loi C-7 réduirait le nombre de témoins requis pour signer la demande écrite de deux à un, et permettrait à cette personne d’être un préposé au bénéficiaire, ce qui permettrait à un soignant abusif de contraindre une personne à demander la mort, puis servir de seul témoin de la demande. Plutôt que de clarifier ce que signifie la mort naturelle d’une personne comme étant « raisonnablement prévisible » (ou de se débarrasser complètement de ce terme glissant et malléable), le projet de loi met ces gens (presque 20 000 déjà) sur une voie rapide vers la mort. Le projet de loi éliminerait la période de réflexion de dix jours, ainsi que l’exigence que la personne doit vérifier son consentement lors de l’injection létale, créant ainsi une directive préalable de facto. Ainsi, même si on doit attendre des mois pour obtenir des soins palliatifs, on peut obtenir la dose mortelle tout de suite. Cet individu avec le préposé violent mentionné plus tôt; personne ne clignerait même les yeux si elle est euthanasiée le jour même de son approbation (comme cela s’est déjà produit au Québec).
Ayant mis la charrue des modifications législatives avant les bœufs de l’examen quinquennal, les libéraux proposent en outre de limiter la portée de ce qui sera pris en compte dans l’examen obligatoire. Au lieu d’examiner « les dispositions édictées par la présente loi » et « la situation des soins palliatifs au Canada », le Parti libéral a décidé de se concentrer plutôt sur l’élargissement de l’admissibilité « demandes d’aide médicale à mourir faites par les mineurs matures, les demandes anticipées et les demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée ». Ces questions doivent certainement être discutées dans un forum public, car les groupes de travail du Conseil des académies canadiennes n’ont pas favorisé l’engagement public à leurs études de 2018. Cependant, cela ne remplace pas un examen approfondi de la loi et de son impact.
Le Parlement doit déterminer si la loi sur l’AMM satisfait au mandat défini par la Cour suprême dans l’affaire Carter, si le système de surveillance est suffisamment robuste pour détecter les problèmes, prévenir les décès de personnes inéligibles et imposer des conséquences pour ces décès. L’examen quinquennal pourrait répondre aussi à la question si c’est même possible de faire respecter la loi sur l’AMM, sans compter si elle est appliquée. Rien de moins serait une trahison du processus démocratique et de la confiance du public.