Dans cet épisode de l’Euthanasie et l’incapacité, Amy Hasbrouck, Christian Debray, et Taylor Hyatt discutent:
- Le rapport sur la situation des soins de fin de vie au Québec
- Les projets de loi pour le suicide assisté aux États-Unis
Veuillez noter que ceci n’est qu’un script et notre webémission inclut des commentaires additionnels.
LE RAPPORT SUR LA SITUATION DES SOINS DE FIN DE VIE AU QUÉBEC
- La Commission des soins de fin de vie du Québec a publié un rapport sur la situation des soins de fin de vie. Le rapport traite des soins palliatifs, de la sédation palliative continue (SPC), de l’euthanasie (administrée ou non) et des activités de la Commission elle-même. Le document ne comprend des données que jusqu’en mars 2018.
- Veuillez noter qu’appuyer sur ce lien ci-dessus pourrait produire un message d’erreur. Si vous effectuez une recherche Google sur le fichier .pdf du rapport (509-20190403.pdf), vous obtiendrez un lien vers la page de l’Assemblée nationale du Québec où vous pourrez télécharger le rapport.
- Le rapport présente quelques résultats évidents:
- Le nombre d’euthanasies et de SPC augmente;
- Certains médecins, hôpitaux et régions fournissent plus de soins palliatifs, de SPC et d’euthanasie que d’autres;
- La plupart des personnes décédées par euthanasie et SPC ont plus de 60 ans et sont atteintes d’un cancer.
- Le rapport identifie certains problèmes, tels que le fait que la Commission ne dispose pas des données nécessaires pour déterminer le nombre de personnes qui ont besoin des soins palliatifs qui ne les reçoivent pas. Mais il y a d’autres problèmes dont nous sommes conscients, ou nous pouvons prévoir ceux qui ne sont pas abordés dans le rapport, tels que:
- Les personnes forcés de vivre dans des CHSLD, demandent et reçoivent l’euthanasie.
- Nous ne savons pas comment les médecins décident si une personne est soumise à une « pression externe » pour demander l’euthanasie, et si des facteurs psychosociaux, économiques et ceux liés à la discrimination sont pris en compte, en plus de la coercition et des abus.
Les soins palliatifs
- La Commission admet qu’elle ne dispose pas des données nécessaires pour prouver que les lacunes dans les services de soins palliatifs constatés dans un rapport publié en 2000 existent toujours, mais elle est pratiquement certaine que c’est le cas. Les seules données disponibles comptent les personnes qui bénéficient de services de soins palliatifs ou qui demandent l’AMM.
- Il existe des lacunes dans tous les domaines ou les soins palliatifs sont offerts; à domicile, dans les unités en milieu hospitalier et aux maisons de soins palliatifs autonomes.
- Le rapport se concentre sur les soins palliatifs en tant qu’option réservée aux personnes en fin de vie. Ceci malgré le fait qu’un soulagement efficace de la douleur est essentiel pour de nombreuses personnes avec déficiences, et les auteurs proposent d’étendre l’euthanasie aux personnes qui ne sont pas en fin de vie.
- La section sur les soins palliatifs ne traite pas des services destinés à prévenir l’institutionnalisation et des demandes d’euthanasie, qui sont au cœur des affaires Truchon, Gladu et Lamb.
La sédation palliative continue
- Parmi les personnes décédées par SPC :
- Le rapport fournit plus de détails sur les symptômes qui ont motivé les demandes de la SPC que sur le type de souffrance à l’origine des demandes d’euthanasie:
- La détresse psychologique ou existentielle – 58%,;
- La douleur physique – 28%;
- La difficulté à respirer – 25%;
- Le délire et l’agitation – 20%;
- Le formulaire de consentement a été rempli et signé par 94% des personnes qui ont reçu la SPC. Dans les autres cas :
- Le formulaire n’était pas signé, mais était dans le dossier médical;
- Le formulaire était absent du fichier;
- Le consentement « oral » a été donné par la personne ou sa famille;
- Le formulaire n’a pas été signé car le mandataire était absent.
- Selon les dossiers médicaux, 83% des personnes ont reçu des soins palliatifs avant de demander une SPC et 6% n’ont jamais bénéficié des soins palliatifs. Les informations n’étaient pas disponibles dans les 11% de cas restants.
- Quatre-vingt-un pour cent sont décédés dans les trois jours suivant le début du traitement par SPC.
- Le rapport fournit plus de détails sur les symptômes qui ont motivé les demandes de la SPC que sur le type de souffrance à l’origine des demandes d’euthanasie:
Euthanasie (administrée)
- Le nombre de demandes était dix fois plus élevé que prévu avant le début du programme.
- « Selon les renseignements recueillis par la Commission, 1 632 personnes ont reçu l’AMM au Québec entre le 10 décembre 2015 et le 31 mars 2018. »
- La note de bas de page 33 indique que « la Commission est consciente que le total d’AMM administré … ne correspond pas exactement au total déclaré dans les rapports des établissements et du CMQ comme indiqué dans son dernier rapport d’activités … » publié en décembre, 2018. Ce chiffre était de 1 664, soit une différence de 32 euthanasies. La Commission n’explique pas cette divergence.
- Ce n’est pas clair si le chiffre (1 632) provient du total rapporté par les institutions et le CMQ, ou des formulaires des médecins. En fait, la Commission n’explique nulle part dans le rapport de synthèse de 124 pages pourquoi le nombre d’euthanasies déclarées par les institutions et le CMQ a été plus élevé dans les trois rapports annuels que le nombre déclaré par les médecins.
- Des formulaires de déclaration des médecins soumis à la Commission, 84 ont été déposés plus de six mois après la fourniture de l’euthanasie.
- Selon le décompte de la Commission, plus de 60 cas d’euthanasie n’avaient pas été signalés par les médecins au 31 mars 2018; 11 déclarations des médecins manquaient toujours lorsque le rapport de synthèse a été transmis.
- De plus, la note de bas de page 57 mentionne « une vingtaine » d’euthanasies qui n’ont pas été signalées par les médecins ou les établissements, mais qui ont été révélées suite aux vérifications effectuées par des institutions qui ont trouvé les informations dans leurs dossiers de pharmacie.
- Le délai moyen entre la signature de la demande et l’administration de l’euthanasie était de 12 jours.
- La Commission décrit les raisons de la demande d’euthanasie (souffrance) dans les termes les plus larges possibles; Souffrance physique, souffrance psychologique ou les deux. Sans surprise, 89% ont déclaré les deux. Le rapport ne précisait pas combien de personnes ressentaient quel type de malaise (douleur physique, problèmes respiratoires, nausées, souffrance existentielle, sentiment de perte de dignité, problèmes d’estime de soi, deuil, etc.).
- Il est à noter que la Commission semble avoir coché « souffrance physique » même là où ce n’était pas un problème. La note de bas de page 43 indique: « À la lumière de l’ensemble des renseignements inscrits dans les formulaires, des souffrances physiques étaient jugées présentes même si la déclaration mentionnait que celles-ci étaient bien soulagées ou qu’il y avait peu de souffrances physiques. »
- La Commission affirme que 80% des personnes recevaient des soins palliatifs lorsqu’elles ont fait la demande d’euthanasie, et 89% en recevaient lors de l’administration de l’AMM. La Commission ne donne aucune assurance quant à la qualité ou à la quantité de ce service. Ce pourcentage d’accès aux soins palliatifs est plus élevé que celui rapporté dans une étude de l’Université McGill que nous avons mise en évidence en décembre dernier.
- Les auteurs notent que le nombre d’euthanasies pratiquées à domicile au Québec (20%) est deux fois moins élevé que dans les autres régions du Canada (> 40%) et en Europe. Certaines personnes ont été admises à l’hôpital juste pour être euthanasiées.
- La Commission estime qu’il y aura jusqu’à 1 500 euthanasies pratiquées au Québec par rapport à l’exercice financier se terminant le 31 mars 2019. C’est presque autant que lors des 28 mois précédents.
- Les données confirment l’hypothèse selon laquelle il existe quelques « médecins de la mort » spécialisés dans l’homicide médical, ainsi que de nombreux autres médecins pratiquant une ou deux euthanasies par an.
Euthanasie non administrée
- Sur les 2 462 demandes, 830, soit un peu plus du tiers, n’ont pas entraîné d’euthanasie. Ces demandes ne sont pas déclarées. La commission a donc dû examiner les dossiers médicaux des personnes qui avaient fait la demande pour déterminer le résultat et à savoir pourquoi l’euthanasie n’avait pas eu lieu. Les raisons entraient dans trois grandes catégories :
- La personne était jugée inadmissible;
- La personne a retiré la demande (elle changé d’avis); ou
- La personne est décédée avant que l’euthanasie puisse être effectuée.
- Les raisons pour lesquelles l’euthanasie n’était pas administrée :
- La personne ne répondait pas aux conditions d’admissibilité au moment de la demande de l’AMM (191) parce que :
- Elle n’était pas en fin de vie – 97;
- Elle n’était pas apte à consentir aux soins – 58;
- Elle n’éprouvait pas des souffrances physiques ou psychiques constantes et insupportables – 48;
- Elle n’était pas atteinte d’une maladie « grave et incurable » – 37;
- La situation médicale de la personne ne se caractérisait pas par un déclin avancé et irréversible – 35;
- (Certaines personnes n’étaient pas éligibles pour multiples raisons).
- La personne est devenue inadmissible au cours du processus d’évaluation ou avant que l’euthanasia puisse être administré (164) :
- La personne a perdu la capacité de donner son consentement – 156;
- La souffrance de la personne a été soulagée de sorte qu’elle n’était plus intolérable – 3;
- Autre – 5.
- La personne est décédée avant la fin du processus d’évaluation – 168;
- La personne a retiré sa demande ou a changé d’avis – 167;
- La personne est décédée avant que l’euthanasie puisse être administrée – 67;
- Autre / information non disponible – 73.
- Les auteurs notent que la variabilité entre les différents sites provient d’interprétations diverses des critères d’éligibilité, en particulier de la « fin de vie » et de la souffrance « constante et insupportable. »
- La personne ne répondait pas aux conditions d’admissibilité au moment de la demande de l’AMM (191) parce que :
- La Commission suggère le fait que 51% des personnes ayant demandé l’euthanasie ne soient pas en « fin de vie » et 30% sont incapables de donner leur consentement éclairé correspond au souhait du public d’étendre l’éligibilité à ces populations. À notre avis, le fait que certaines personnes soient exclues signifie que les critères d’éligibilité fonctionnent au moins partiellement.
Le processus de demande
- Les demandes orales ne sont souvent pas inscrites sur le formulaire de demande jusqu’à ce que le processus d’évaluation soit presque achevés.
- Les auteurs disent que les gens sont découragés de faire une demande écrite d’euthanasie et qu’on leur dit, de manière informelle, qu’ils ne seraient pas admissibles.
- La Commission a minimisé les problèmes de retards dans la réception de formulaires, le nombre d’erreurs et de formulaires incomplets.
Les activités de la commission
- Le rapport ne dit rien sur ce que va faire la Commission en ce qui concerne le décès de personnes jugées inadmissibles ou les cas où les garanties n’ont pas été respectées.
- En 29 cas, le deuxième médecin n’était pas indépendant. (Cette exigence a été enlevé en 2017);
- Dans 11 cas, la personne n’était pas admissible;
- Dans 10 cas le médecin n’a pas mené lui-même les entretiens avec la personne pour s’assurer du caractère éclairé de sa demande ou de la persistance de ses souffrances et de sa volonté d’obtenir l’AMM;
- Dans 9 cas le second médecin consultant a examiné la personne avant même que la demande d’AMM a été signé;
- Dans 5 cas la demande d’AMM a été contresignée par une personne qui n’était pas un professionnel de la santé ou des services sociaux;
- Dans 2 cas le médecin qui a administré l’AMM n’a pas procédé lui-même aux vérifications prévues dans la Loi.
- Le retard des évaluations de la Commission est passé sous silence. Ella a évalué 1 498 des 1 632 euthanasies déclarées (92%), laissant un retard de 134 cas même un an plus tard. C’est particulièrement urgent compte tenu de l’estimation par la Commission du nombre d’euthanasies pour l’exercice écoulé.
- Le rapport fait référence aux améliorations promises par le système de déclaration électronique. Mais le document omet les problèmes mentionnés dans les rapports annuels concernant:
- Le nombre de formulaires qui sont incomplets ou comportent des erreurs;
- Combien de lettres et d’appels téléphoniques sont nécessaires pour corriger ou compléter les formulaires, ou pour obtenir les formulaires manquants;
- Des formulaires qui ne sont pas du tout déposés.
- Le rapport ne discute pas non plus de la manière dont ces problèmes seront traités à l’avenir.
- La couverture médiatique de la publication de ce rapport de synthèse était une frénésie de propagande en faveur de l’euthanasie, des critiques du nombre de personnes privées de leur « droit » à l’euthanasie et des appels à élargir l’éligibilité et à accélérer le processus d’évaluation. Nous espérons que nos observations, nos secondes pensées sobres, ne seront pas complètement perdues dans le brouhaha.
LES PROJETS DE LOI DU SUICIDE ASSISTÉS AUX ÉTATS-UNIS
- Des projets de loi sur le suicide assisté ont été proposés cette année encore dans de multiples États américains. Plusieurs ont été arrêtés, mais pas tous. Le Conseil des droits des patients suit les projets de loi des États-Unis sur son site Web. Voici un aperçu des résultats les plus importants à ce jour.
- Le Connecticut – Le 1er avril, le comité de santé publique du Connecticut a décidé de ne pas voter sur le HB 5898, un projet de loi relatif à l’aide médicale à mourir, ce qui signifie que le projet de loi n’avait pas été présenté dans les délais. Cela était dû en grande partie aux efforts de Second Thoughts Connecticut.
- Le Maine – Dans l’État du Pin, il y a un projet de loi devant la législature (H.P. 948), qui est toujours dans l’étape du comité, et une campagne visant à poser une question sur le vote pour 2020.
- Le Maryland – WDVM-TV 25 a annoncé que le projet de loi sur le suicide assisté dans le Maryland, HB 399, avait été rejeté le 27 mars à cause d’une impasse au Sénat. Le sénateur Obie Patterson (Dem.), du comté de Prince George, n’a pas voté, disant qu’il ne s’était pas préparé à prendre position sur le projet de loi.
- Le Montana – Un projet de loi qui aurait infirmé la décision dans l’affaire Baxter selon laquelle le suicide assisté par un médecin était permis a été défait au Sénat du Montana par 27 voix contre 22.
- Le New Jersey – Malheureusement, le projet de loi sur le suicide assisté, qui trainait devant l’assemblée du New Jersey depuis plusieurs années, a finalement été adopté. Le Gouverneur, Phil Murphy n’a pas encore signé le projet de loi; vous pouvez l’appeler au 1-609-292-6000.
- Le Nouveau-Mexique – La représentante Deborah Armstrong, démocrate à Albuquerque et co-auteur du projet de loi 90, le « projet de loi sur les options de fin de vie », a déclaré qu’elle ne demanderait pas l’approbation de la chambre des représentants, car il n’y a pas assez de voix pour le faire adopter à ce moment. Elle a demandé que la proposition soit déposée.
- L’État de New York – Une « loi sur l’aide médicale à mourir » (A-2694) a été présentée pour la session législative de cette année. Les partisans devront faire face à une décision rendue en 2017 par la cour la plus haute de l’État, qui n’a pas reconnu un droit constitutionnel de l’aide à mourir.
- L’Oregon – Des projets de loi ont été introduits pour élargir et modifier le Death with Dignity Act. HB 2232 et 2903 élargiraient la définition de « maladie terminale » en supprimant toute référence au pronostic terminal. HB 2217 exigerait que la dose mortelle soit auto administrée (mais ne dit rien sur la responsabilité pénale pour avoir aidé la personne à prendre le drogue).
- Les autres États où des projets de loi sur l’aide au suicide ont été déposés sont notamment l’Arizona, l’Arkansas, l’Indiana, l’Iowa, le Kansas, le Massachusetts, le Minnesota, le Nevada, le Rhode Island, l’Utah et la Virginie.