Archive des webémissions: Le choix de mourir n’est pas libre – l’histoire d’Archie Rolland

Cette semaine, nous revisitons l’histoire d’Archie Rolland et discutons de la fréquence des erreurs des professionnels de la santé dans leur travail.

Dans cet épisode de l’Euthanasie et l’incapacité, Amy Hasbrouck, Taylor Hyatt et Christian Debray discutent:

  • Le choix de mourir n’est pas libre: Archie Rolland
  • Des erreurs médicales

Veuillez noter que ceci n’est qu’un script et notre webémission inclut des commentaires additionnels.

LE CHOIX DE MOURIR N’EST PAS LIBRE: ARCHIE ROLLAND

  • Depuis l’été dernier, TVNDY recueille des histoires de personnes qui ont été prises dans les engrenages de l’aide à mourir médicale (l’AMM). La plupart étaient des gens qui avaient demandé la mort, mais qui avaient vraiment besoin d’aide pour vivre. Beaucoup ont été euthanasiés, ou les soins de survie ont été retirés ou refusés, ou ils ont simplement plaidé leur cause via les médias devant le tribunal de l’opinion publique.
  • Au cours des prochains mois, nous allons raconter comment et pourquoi le système a trahi les personnes qui avaient besoin d’aide pour vivre, pas pour mourir, en préparation de la révision quinquennale de la loi sur l’AMM qui est censée commencer cet été.
  • Archie Rolland était un architecte paysagiste qui pendant 15 ans était atteint de la sclérose latérale amyotrophique. De 2007 à 2015, il a été soigné à l’Institut thoracique du Centre universitaire de santé McGill. En 2013, il a rédigé un article d’opinion dans la Montréal Gazette sur son expérience de l’« incarcération » en soins de longue durée, et ses craintes quant aux changements à venir dans sa situation de vie.
  • En janvier 2015, M. Rolland faisait partie des 17 personnes, dont la plupart utilisaient des respirateurs, qui ont été transférées à l’aile des soins de longue durée Camille-Lefebvre de l’Hôpital de Lachine, avant le déménagement du « Montréal Chest » au « super hôpital » nouvellement construit. Selon un rapport publié dans la Montréal Gazette, « seulement 70% des infirmiers ont effectué le transfert, et moins de la moitié des préposées ». De plus, l’équipe a été soumise à un horaire rotatif, ce qui a perturbé la continuité des soins.
  • Selon la Gazette, des problèmes sont survenus dès que les résidents ont déménagé à l’établissement de Lachine, et M. Rolland les a documentés dans des courriels adressés à l’infirmière en chef, à l’ombudsman, aux responsables de l’hôpital et à un représentant du comité des patients. Il a signalé de longs retards après avoir appuyé sur le bouton d’appel, d’être privé d’eau, de mauvais positionnements provoquant des plaies de lit et des problèmes plus dangereux. Lors d’un incident, le personnel n’a pas réussi à retirer le mucus de sa trachée, puis a ignoré l’alarme respiratoire jusqu’à ce que sa mère coure chercher de l’aide. À une autre occasion, les préposés se sont appuyés sur son rail de lit, coinçant le bouton d’appel contre sa tête et « se sont moqués de moi dans ma détresse ».
  • D’autres familles ont également communiqué avec les médias au sujet de problèmes causés par des pénuries de personnel et des horaires rotatifs, et plusieurs rapports parus dans la Gazette détaillaient les problèmes à l’établissement de Lachine. À l’été 2016, trois médecins ont démissionné parce que leurs « appels à un soutien supplémentaire ne menaient nulle part ».
  • En juillet 2016, M. Rolland en avait assez. Dans des courriels au journaliste de la Gazette, il a souligné que ce n’était pas sa maladie qui le tuait; il était fatigué et découragé de devoir se battre pour les soins nécessaires et de compassion. Le 4 juillet, il a quitté les installations de Lachine et a fait un voyage de 10 heures au foyer familial de Métis-sur-Mer. Trois jours plus tard, il a ordonné que son respirateur soit éteint.
  • Bien que le transfert dans un autre établissement ait été mentionné comme une solution possible, aucun des rapports n’abordait la possibilité que M. Rolland aurait pu vivre chez lui avec les services d’un préposé. Les résidents de l’établissement de soins de longue durée (appelés des « patients » plutôt que des « personnes ») ont été décrits comme « branchés à » des respirateurs et des sondes d’alimentation, plutôt que « d’utiliser » un tel équipement. Où est le choix là-dedans?

DES ERREURS MÉDICALES

  • Une recherche sur Google News pour des informations sur l’accident du vol 752 d’Ukraine Airlines le 8 janvier donne 11 900 résultats. Wikipédia rapporte qu’il y avait 63 Canadiens à bord. En même temps, selon un rapport de l’Institut canadien pour la sécurité des patients (ICSP), 76 Canadiens meurent chaque jour au Canada de chutes, d’erreurs médicales et d’infections qu’ils ont contractées dans les hôpitaux. L’ICSP a estimé que 28 000 Canadiens sont décédés en 2013.
  • Bien qu’elles soient la troisième cause de décès au Canada, les erreurs médicales (alias « événements indésirables », alias « incidents de la sécurité des patients ») reçoivent très peu d’attention médiatique. Une recherche Google n’a trouvé  qu’une poignée d’articles chaque année dans la presse populaire sur le sujet.
  • L’attention du public a été attirée sur les erreurs médicales au tournant du siècle avec la publication du rapport « To Err is Human: Building a Safer Health System » en novembre 1999 par le Comité de la qualité des soins de santé de l’Institut américain de médecine aux États-Unis. En 2004, « The Canadian Adverse Events Study » a révélé que 7,5% des dossiers d’hospitalisation examinés par les chercheurs présentaient des problèmes; les chercheurs ont constaté que 37% d’entre eux étaient évitables. Une étude sur les « événements indésirables » pédiatriques en 2013 a révélé que plus de 9% des enfants ont été blessés dans les hôpitaux canadiens.
  • La Commission sur les soins de fin de vie au Québec a toujours trouvé un taux de non-conformité de 4% dans la prestation d’euthanasie dans la province, donc appliquer le taux d’erreur de 7,5% à l’aide médicale à mourir semble raisonnable.
  • Contrairement à l’industrie de l’aviation, où tout le monde (des mécaniciens aux agents de bord) est encouragé à signaler les problèmes, les accidents dans les milieux médicaux restent entourés de secret. Pour cette raison, il est toujours impossible d’obtenir des chiffres précis du nombre exact de décès causés par des erreurs, de la négligence, des pannes d’équipement, des médicaments mal distribués, des instruments laissés dans le corps des gens et la multitude d’autres choses qui peuvent mal tourner dans le milieu des soins de santé.
  • Selon Kathleen Finlay du Center for Patient Protection, les personnes lésées par des erreurs médicales se heurtent à des obstacles presque impossibles lorsqu’elles demandent une indemnisation. Dans un article de 2015, elle décrit le rôle de l’Association canadienne de protection médicale, qui défend les médecins poursuivis pour des erreurs médicales. « Les frais d’adhésion payés à l’ACPM donnent aux médecins une assurance responsabilité civile et un droit de représentation dans les poursuites pour faute professionnelle médicale. Cependant, les gouvernements provinciaux remboursent aux médecins au moins une partie de leurs frais d’adhésion ».
  • Les personnes lésées par des erreurs médicales sont également confrontées à des règles juridiques qui obligent la partie perdante à payer les frais juridiques du gagnant et limitent le type et le montant des dommages-intérêts qui peut être accordé même si le demandeur gagne.
  • Donc, pour résumer, si vous faites partie des 400 000 personnes chaque année qui souffrent d’un « incident de sécurité des patients », ne comptez pas sur le fait de gagner devant les tribunaux, puisque vos impôts aident à payer l’équipe juridique du défendeur. Et si un « événement indésirable » affecte le diagnostic, le traitement, la détermination de l’admissibilité ou l’administration d’aide médicale à mourir, vous pourriez faire partie des 7,5% des personnes tuées en raison d’une erreur médicale.
TVNDY