Archive du webémission : Présentation au congrès Matercare

Cette semaine, découvrez un aperçu de la présentation d’Amy lors d’une conférence à Rome.

Dans cet épisode de l’Euthanasie et l’incapacité, Amy Hasbrouck discute de sa prochaine présentation pour la conférence MaterCare avec l’Euthanasia Prevention Coalition. En raison d’un problème technique, il n’y aura pas d’audio / vidéo disponible pour la webémissions de cette semaine.

PRÉSENTATION AU CONGRÈS MATERCARE

  • Cette semaine, nous proposons la présentation d’Amy à la Conférence internationale MaterCare à Rome le 20 septembre.
  • Les personnes en situation de handicap constituent la population la plus touchée par les pratiques accélérant la mort.
    • Toutes les personnes atteintes d’une maladie en phase terminale ont une incapacité, mais pas toutes les personnes atteintes d’une incapacité ont aussi une maladie en phase terminale.
    • L’incapacité est un critère d’admissibilité dans de nombreuses lois sur le suicide assisté et l’euthanasie (le SA & E).
    • Les raisons les plus souvent invoquées pour les demandes de l’aide médicale à mourir (l’AMM) sont liées à l’incapacité:
      • Perte d’autonomie
      • Incapable de faire les choses qu’ils aiment
      • Sentiment de perte de dignité
      • Se sentir comme un fardeau
  • Comprendre la façon dont la société perçoit le handicap peut nous aider à comprendre pourquoi l’incapacité est considérée comme une raison suffisante pour mourir hâtivement. Les chercheurs avec déficiences ont identifié plusieurs « modèles » de handicap qui répondent aux questions:
    • Qu’est-ce que le handicap?
    • D’où vient le handicap? Pourquoi cela se produit-il?
    • Quel est le « problème » et où se trouve-t-il ?
    • Quel est le « remède » pour le « problème » ?
  • Le modèle religieux ou moral du handicap était dominant jusqu’il y a environ 150 ans. Il en reste encore aujourd’hui. Il dit que le handicap est la manifestation d’une punition de Dieu pour les péchés ou les transgressions; ou c’est un test de foi ou un chemin potentiel vers le salut. Selon le modèle religieux ou moral:
    • Qu’est-ce que le handicap? – C’est une manifestation de la volonté de Dieu.
    • D’où vient le handicap? – C’est une punition pour les péchés ou un test de foi.
    • Quel est le « problème » et où se trouve-t-il ? – Le caractère ou le comportement de la personne.
    • Quel est le « remède » pour le « problème »? – Vivez à droite et priez pour la guérison.
  • Le modèle médical du handicap est apparu au 19ème siècle et dit que l’incapacité est un problème médical de l’individu. C’est un défaut ou une défaillance du corps ou de l’esprit qui est intrinsèquement anormal et pathologique. Les objectifs de l’intervention sont la guérison, l’amélioration de la condition et la réadaptation. Selon le modèle médical:
    • Qu’est-ce que le handicap? – Une anomalie ou une pathologie.
    • D’où vient le handicap? – Le corps ou l’esprit qui ne se conforme pas ou ne respecte pas les spécifications « normales. »
    • Quel est le « problème » et où se trouve-t-il ? – L’individu.
    • Quel est le « remède » pour le « problème »? – Guérir le défaut ou modifier l’individu pour qu’il soit aussi proche que possible de la « normale ».
  • Le modèle processus de production du handicap (similaire au « social model of disability » en anglais) a été développé par les personnes avec déficiences. Il est dit que le handicap est le désavantage ou la limitation d’activité provoquée par une organisation sociale qui ne tient pas compte des personnes ayant une déficience et les empêche donc de participer à la vie civile et sociale.  Selon le modèle social:
    • Qu’est-ce que le handicap? – Le conflit entre les besoins et les capacités d’une personne donnée, les exigences de la vie et les ressources disponibles dans l’environnement.
    • D’où vient le handicap? – Le handicap se produit lorsque l’environnement ne convient pas aux besoins de la personne.
    • Quel est le « problème » et où se trouve-t-il ? – Dans l’environnement.
    • Quel est le « remède » pour le « problème »? – Changer l’environnement.
  • L’héritage des modèles religieux et médicaux du handicap est la dévalorisation et la déresponsabilisation des personnes avec déficiences.
    • Le mouvement eugénique qui a débuté au 19ème siècle avait une forte connotation morale alors même qu’il s’appuyait sur la « science médicale » pour justifier la stérilisation et l’euthanasie de personnes ayant toutes sortes d’incapacités.
    • Une des principales motivations du mouvement de la mort hâtive est l’idée qu’il vaut mieux être mort qu’handicapé. Alors que la plupart des gens sont trop polis pour le dire en face, nous, les personnes avec déficiences, l’entendons assez souvent pour savoir que cela se cache dans l’esprit d’une majorité des gens.
    • Il n’est donc pas surprenant que les personnes qui développent une incapacité ne souhaitent pas s’identifier comme personnes handicapées.
      • Dans chaque société sur la terre, être atteinte d’une incapacité signifie une perte de statut, de pouvoir et de prestige. Cela signifie généralement une perte d’emploi et une descente dans la pauvreté.
      • En outre, une personne nouvellement atteinte doit faire face à un lot de stéréotypes au sujet des personnes handicapées, qui s’appliquent désormais à soi-même. Des contes de fées aux téléromans, l’imperfection physique est assimilée au mal, à la paresse, à l’inaptitude, à la cupidité, à la solitude et à de nombreux autres traits négatifs. Bien qu’il soit logique d’examiner et de rejeter ces stéréotypes, sans une vision alternative, les gens acceptent souvent simplement ce qu’ils ont appris.
    • Les taux de maltraitance des personnes avec déficiences sont beaucoup plus élevés que ceux des personnes non handicapées, ils acceptent souvent la honte de la maltraitance et disposent de moins de ressources pour échapper ou y mettre fin.
    • Un autre héritage des modèles religieux et médicaux du handicap est que les politiques publiques qui touchent la vie des personnes avec déficiences ont été créées et exécutées par des personnes non handicapées. Ainsi, un thème central du mouvement des droits des personnes ayant une incapacité a toujours été « Rien sur nous, sans nous ».
  • En 1983, « une femme de 26 ans, belle et éduquée, se présente dans une unité de psychiatrie d’un hôpital en annonçant son désir de se suicider. Elle déclare avoir traversé deux années de crises émotionnelles dévastatrices: la mort d’un frère, la détresse financière grave, l’abandon des études supérieures en raison de discrimination, une fausse couche et, plus récemment, la rupture de son mariage. » Bien que l’hôpital refuse sa demande d’aide à mourir, Elizabeth Bouvia remporte finalement une bataille judiciaire pour le droit à l’assistance au suicide basée sur le fait qu’elle a une incapacité physique grave (la paralysie cérébrale). Cependant, au cours de la bataille juridique qui a duré deux ans, sa décision supposée ferme et bien établie de mourir avait changé.
  • Aussi dans les années 1980, plusieurs résidents de centres de soins infirmiers avec des lésions de la moelle épinière ont intenté des actions en justice pour avoir le droit de faire éteindre leur appareil respiratoire. Parfois qualifiés collectivement de cas « donnez-moi la liberté ou donnez-moi la mort », les demandeurs ont obtenu le droit de refuser un traitement médical en partant du principe que leurs handicaps les condamnaient à une mauvaise qualité de vie. Comme dans l’affaire Bouvia, les tribunaux dans ces affaires ont ignoré la discrimination et les obstacles qui empêchaient les demandeurs de vivre de manière indépendante et de participer sur un pied d’égalité dans leurs communautés.
    • Au cours de la procédure judiciaire, Larry McAfee a été contacté par des militants des droits des personnes en situation du handicap qui l’ont aidé à louer un appartement accessible et à organiser le financement des aidants personnels. Libéré de l’institution, M. McAfee a changé d’avis sur la mort et a vécu chez lui jusqu’à sa mort, des années plus tard.
    • David Rivlin et Kenneth Bergstedt n’ont pas été aussi chanceux; leurs familles ont repoussé toutes les tentatives des militants avec déficiences pour les aider à acquérir leur indépendance.
  • Ce genre de cas n’est pas non plus une relique du passé. Le mois dernier, le Canadien Sean Tagert a opté pour l’euthanasie plutôt que d’être contraint de s’installer dans un établissement éloigné de son domicile, car il s’est vu refuser l’aide dont il avait besoin pour rester chez lui. Ceci s’est passé malgré l’adoption par le Canada de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, dont l’article 19 impose aux États l’obligation de fournir les services nécessaires pour permettre aux personnes avec déficiences de vivre de manière autonome dans la communauté.
  • Dans les années 1990, les promoteurs de l’aide au suicide, tels que la « Hemlock Society » et le « Final Exit Network », ont inclus le handicap parmi les raisons pour le décès prématuré. De plus, 70% des personnes « aidées » par Jack Kevorkian à mourir avaient une incapacité plutôt qu’une maladie en phase terminale (un pourcentage similaire était constitué de femmes). La fondation du groupe de défense des droits des personnes avec déficiences « Not Dead Yet » en 1996 et la présence de militants avec déficiences lors du deuxième procès pénal de Kevorkian, aboutit à sa condamnation pour meurtre au deuxième degré dans l’homicide du tétraplégique Thomas Youk.
  • Nombre de ceux qui promeuvent le SA & E ont une incapacité et citent l’autonomie et l’autodétermination comme justifications de la légalisation de l’AMM. Cela crée l’impression erronée que les personnes avec déficiences soutiennent le SA & E. En fait, tous les principaux groupes de défense des droits des personnes en situation de handicap s’opposent à la légalisation de l’AMM. Ces groupes:
    • sont dirigés par et pour des personnes avec déficiences;
    • combinent l’expérience personnelle des membres de la discrimination avec une analyse détaillée de la politique en matière de handicap; et
    • font le lien entre la discrimination fondée sur le handicap et d’autres types d’oppression, tel que le racisme, le sexisme, la pauvreté forcée, l’homophobie, etc.
  • Les militants des droits des personnes en situation de handicap reconnaissent que, même si l’idée d’autonomie et d’autodétermination sont attrayantes, « l’autonomie » promise par les promoteurs du SA & E est une illusion; le choix de mourir n’est pas libre tant que les personnes avec déficiences n’ont pas le choix de leur lieu de résidence ou de leur mode de vie.
  • Les militants des droits des personnes avec déficiences se concentrent sur quatre arguments clés contre la légalisation de la mort hâtive:
    • Le SA & E sont discriminatoires;
    • La légalisation est inutile;
    • Le choix est un slogan, pas une réalité; et
    • Les protections ne fonctionnent pas.

LE SA & E SONT DISCRIMINATOIRES

  • Le mouvement pour la légalisation de la mort hâtive est motivé par la peur de l’incapacité et des croyances discriminatoires résumées dans la phrase « mieux mort qu’handicapé ».
  • Le suicide assisté crée un deux-poids, deux-mesures dans l’application de la politique de prévention du suicide. Bien que les lois antidiscriminatoires devraient garantir un accès égal aux services de prévention du suicide, les personnes avec déficiences ne peuvent en pratique compter sur le filet de sécurité.
    • Une personne non handicapée qui exprime le désir de mourir reçoit des services de prévention du suicide, allant même jusqu’à perdre sa liberté, pour sa propre protection.
    • Une personne handicapée qui exprime son souhait de mourir est le plus souvent aidée à le faire.
    • Alors que la plupart des tentatives de suicide sont considérées comme des appels au secours, le suicide assisté peut transformer les idées suicidaires en un suicide réussi.
  • Cette politique incohérente est fondée sur la conviction, largement répandue mais discriminatoire, selon laquelle le désir de mourir est rationnel lorsque la personne a une déficience.

LA LÉGALISATION EST INUTILE

  • Le suicide, en tant qu’acte solitaire et autonome, (même s’il n’est pas souhaitable) est cependant légal et accessible à tous.
    • Il n’y a pas de « droit » au suicide qui doit être accommodé;
    • Ceux qui demandent le SA & E sont généralement capables de se suicider;
    • Ceux qui ne peuvent pas se suicider peuvent refuser des soins médicaux et bénéficier d’une sédation palliative continue.
  • Les lois permettant le SA & E sont conçues pour protéger les professionnels de la santé des poursuites.
  • Il n’est pas nécessaire que les personnes avec déficiences meurent pour avoir de la dignité.

« LE CHOIX » EST UN SLOGAN, PAS UNE RÉALITÉ

  • Je répète: le choix de mourir n’est pas libre tant que les personnes en situation de handicap n’ont pas le choix de leur lieu de résidence ou de leur mode de vie.
  • Les facteurs qui limitent le choix des personnes avec déficiences comprennent:
    • Les soins palliatifs inadéquats;
    • Le politique publique privilégiant les soins en établissement par rapport aux soins à domicile;
    • Un manque de soins de santé mentale et de conseils par des pairs de personnes vivant avec succès avec des handicaps similaires;
    • La pauvreté, le chômage et le privation du droit de vote;
    • Les obstacles architecturaux et manque de transport.
  • Les politiques et décisions en matière de santé axées sur les coûts limitent également les options offertes aux personnes en situation de handicap:
    • Les obstacles aux services de diagnostic et aux traitements;
    • Déni de couverture pour le traitement;
    • Les politiques de futilité;
    • L’exigence de compagnies de gestion de soins intégrées que les patients atteignent des buts de « rétablissement »; et
    • Le suicide assisté est toujours l’option la moins chère.
  • Le décès de deux membres du conseil d’administration de Not Dead Yet, Carrie Ann Lucas et Bill Peace, en est une illustration frappante. Tous les deux se sont vu refuser un traitement médical pour se remettre; Carrie Ann s’est vu refuser un antibiotique et Bill n’a pu obtenir de lit thérapeutique pour soulager les plaies de lit. Dans les deux cas, l’assureur a payé davantage pour les soins d’urgence qu’il aurait dû payé pour fournir le service nécessaire. Et dans les deux cas, la société a perdu des leaders doués, très éduqués et articulés, dotés de compétences et de réalisations exceptionnelles.
  • Même dans des installations luxueuses avec un personnel attentionné et stable, le manque de contrôle sur les habitudes quotidiennes, la vie privée et les espaces personnels intégrés à la vie institutionnelle est intolérable pour beaucoup de gens. Dotation en personnel insuffisante, changement fréquent de personnel, mauvais entretien, installations délabrées, violence parmi les résidents et abus commis par le personnel peuvent faire de la vie dans une institution un cauchemar.
  • Même lorsque les personnes avec déficiences peuvent rester chez elles, elles dépendent souvent de membres de la famille non rémunérés qui ont dû abandonner leur carrière pour fournir des soins personnels. Ils peuvent également avoir besoin de faire appel à des agences qui envoient une série d’employés en constante évolution qui fournissent une assistance taille unique, sans prendre le temps ni l’effort pour adapter les procédures aux besoins particuliers de la personne.

LES PROTECTIONS NE FONCTIONNENT PAS

  • Les pronostics de « six mois à vivre » sont souvent faux. De plus, la définition de « fin de vie » ou de « décès raisonnablement prévisible » peut être si large qu’elle englobe les personnes dont le décès n’est pas attendu dans les années à venir (comme dans une affaire de la Cour supérieure de l’Ontario en 2017: AB c. Procureur général du Canada).
  • Les médecins qui évaluent si une personne a la capacité de prendre des décisions de vie ou de mort utilisent rarement les outils conçus à cette fin, ou n’évaluent pas toutes les compétences qui entrent en jeu pour prendre une telle décision. De plus, ils ne sont pas obligés d’expliquer comment ils ont pesé les pressions externes et les facteurs sociaux ou économiques susceptibles d’affecter le processus décisionnel de la personne.
  • Les évaluations psychologiques ne sont pas obligatoires pour la compétence ou pour détecter la maladie mentale ou d’autres conditions qui provoquent des sentiments suicidaires.
  • La plupart des lois sur le SA & E imposent aux médecins de respecter les normes de « bonne foi » pour déterminer l’éligibilité et se conformer aux mesures de sauvegarde pour l’AMM. Ce niveau est inférieur à celui appliqué dans les cas de négligence médicale (« les soins et compétences raisonnables »).
  • Lorsque le suicide assisté est la méthode, aucun témoin impartial n’est requis au décès pour s’assurer que la personne prend les drogues elle-même. Si la personne luttait, qui le saurait?
  • Les lois du SA & E ont des exigences minimales en matière de rapports, peu de surveillance et aucune disposition d’application.
  • En vertu de ces lois, les décès des personnes avec déficiences sont des « pertes acceptables ».

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  • Travailler en coalition: tous les chemins mènent à Rome!
    • Les arguments relatifs aux droits des personnes en situation de handicap sont le meilleur moyen de parvenir à notre destination;
    • On doit se concentrer sur le but commun;
    • Acceptons que nous ne soyons pas d’accord sur d’autres questions; laisser les bagages à la porte.
  • S’affilier à des organisations religieuses peut être dangereux pour les groupes de défense des droits des personnes en situation du handicap.
    • Les collègues ayant des incapacités sont décrits par des médias et perçus par le public comme des pions passifs.
    • Ces collaborations réduisent la crédibilité des groupes de personnes avec déficiences vis-à-vis de nos alliés progressistes;
    • Le modèle religieux ou moral du handicap continue d’avoir un impact négatif.
  • Obstacles supplémentaires au travail en coalition:
    • Les militants en situation de handicap manquent de poids économique:
      • Nos membres ont un revenu limité;
      • Nos coûts de participation sont plus élevés en raison des besoins d’accès;
      • Les groupes par et pour les personnes en situation de handicap ne sont pas bien financés.
    • Les décisions politiques et stratégiques ont été prises sans la participation des personnes avec déficiences.
    • Notre expertise en matière de soins de santé et d’assistance au suicide n’a pas été prise en compte.
    • Nous avons été exclus des rôles de leadership.
    • Nous avons été utilisés comme jetons.
  • Le remède est le R-E-S-P-E-C-T.
TVNDY