Dans cet épisode de l’Euthanasie et l’incapacité, Amy Hasbrouck, Taylor Hyatt et Christian Debray discutent:
- Les rapports du CAC – Partie III : Les mineurs matures
Veuillez noter que ceci n’est qu’un script et notre webémission inclut des commentaires additionnels.
LES RAPPORTS DU CAC : UNE POLITIQUE SUR NOUS SANS NOUS – PARTIE III : LES MINEURS MATURES
- Aujourd’hui, nous continuons notre série sur les rapports du Conseil des Académies Canadiennes avec le document « Mineurs matures ».
- Nous pensons qu’il y a deux éléphants dans le salon qui réduisent la valeur de ce rapport. Ils sont:
- Le rapport ne traite pas des problèmes de suicide et des comportements imprudents causant la mort accidentelle chez les adolescents; et
- La maltraitance et les « meurtres par compassion » d’enfants avec déficiences sont ignorés.
- Le suicide chez les adolescentes et les comportements dangereux sont un problème bien documenté:
- Ceci est mentionné dans le contexte « [des] communautés [autochtones] vivant des crises de suicide chez les adolescents. » (p. 32);
- À la page 106, le rapport présente un graphique montrant que les accidents et les suicides sont la principale cause de décès chez les adolescents de 15 à 19 ans.
- 26% des personnes meurent par suicide ou automutilation;
- 33% des personnes meurent des suites d’un accident;
- Cela représente près de 60 pour cent des décès d’adolescents pouvant être liés à un comportement imprudent ou autodestructeur. Pourtant, le rapport n’aborde pas ces éléments dans le contexte de la prise de décision de fin de vie, sauf pour affirmer que l’AMM n’est pas un « choix impulsif ».
- L’autre éléphant dans la salle est le lien entre le SA & E et le « meurtre par compassion », où la conviction qu’un enfant ayant une incapacité est « mieux mort, » est ainsi mise en pratique par les parents qui tuent leurs enfants.
- Non seulement les auteurs ont omis de parler de l’homicide de Tracy Latimer par son père, mais ils ont également ignoré le soutien public dont il avait bénéficié pour l’assassinat et la dévalorisation des vies de personnes en situation de handicap signalé par cette approbation.
- Nous avons évoqué le cas de Jerika Bolen (en 2016) dans la contribution de TVNDY parce que nous pensons qu’il constitue un excellent exemple de la raison pour laquelle les adolescents ne sont pas en mesure de prendre des décisions de vie ou de mort par eux-mêmes, et de la réaction inappropriée de la société lorsque des enfants avec déficiences demandent à mourir. Cependant, le groupe de travail a choisi de ne pas discuter de l’affaire Bolen. Jerika, âgée de 14 ans, était atteinte d’atrophie musculaire spinale. Elle avait subi de multiples chirurgies et, selon les rapports, sa douleur ne semblait pas être bien gérée. Elle a attiré l’attention du public pour sa campagne de financement pour son « dernier bal » avant de se laisser mourir suite au débranchement de son respirateur. Sa demande montre à quel type d’immaturité les adolescents sont connus; réactions émotionnelles fortes, comportement de recherche d’attention et de récompense, mélodrame, ainsi que ses sentiments suicidaires. La réponse du public à sa campagne n’a été rien de moins qu’une foule qui crie « saute! » à un adolescent suicidaire sur un haut rebord.
- Le groupe de travail a observé qu’« habituellement, les décisions “se prennent par l’adolescent, ses parents et les médecins, dans le cadre d’une relation de collaboration et de soutien” » (p. 39). Cela va à l’encontre de la conclusion de la Société canadienne de pédiatrie selon laquelle « le nombre de demandes d’AMM faites par des parents a été cinq fois plus important que le nombre de demandes présentées par des mineurs eux-mêmes» (p. 127). (Cette statistique apparaît sous le titre « Le nombre de demandes d’AMM présentées par des mineurs matures est susceptible d’être très faible. » « Tout va bien, madame la marquise ».)
- Le rapport ne conteste pas l’hypothèse selon laquelle les parents font tout leur possible pour sauver leurs enfants. (p. 168, 178) malgré la preuve du contraire.
- Le groupe de travail établit une distinction entre les seuils d’âge dans les « contextes non médicaux » (tels que voter, conduire, fumer et consommer de l’alcool) et la prise de décision médicale, affirmant que « contrairement à ces contextes [non médicaux], priver quelqu’un du pouvoir de prendre des décisions en matière de soins de santé peut avoir des conséquences sur son intégrité corporelle. » Cependant, le fait de fumer, de conduire et d’utiliser de l’alcool n’aurait-il pas un impact sur « l’intégrité corporelle » non seulement de la personne elle-même, mais aussi des autres? (p. 43)
- Comme nous en avons déjà parlé, pour avoir la capacité juridique, une personne doit être en mesure de comprendre et d’apprécier les informations relatives à une décision, ainsi que les conséquences de chaque choix possible.
- Cette norme a été créée pour régir les décisions en matière de soins de santé, par exemple en cas d’ablation d’une tumeur ou d’un sein entier, et non du choix de vivre ou de mourir.
- Ce sont des fonctions liées à la pensée qui ne tiennent pas compte des facteurs émotionnels et de jugement qui affectent les adolescents.
- Il n’existe pas de définition universellement acceptée du mineur mature. Le système juridique canadien, les lois et les politiques sur les soins de santé considèrent généralement un mineur mature comme:
- une personne âgée de 12 à 18 ans;
- ayant la capacité de prendre une décision éclairée en matière de soins de santé, et
- la capacité d’agir volontairement à l’égard de cette décision (p. 40).
- Les facteurs pris en compte par les tribunaux pour décider si un enfant peut prendre une décision: (p. 38)
- la compréhension et l’appréciation par le mineur de ce qui est proposé;
- sa capacité à faire un choix volontaire;
- la gravité de la décision de traitement;
- si le traitement sauve la vie de la personne;
- les effets secondaires du traitement;
- quelles alternatives sont disponibles;
- s’il existe une loi provinciale ou territoriale sur le consentement aux soins de santé ou une loi sur la protection de l’enfance qui s’applique; et
- Normes juridiques, telles que
- « les meilleurs l’intérêt » de l’enfant et
- « Parens patriae », où l’État intervient et prend le rôle du parent (p. 56).
- Que signifie « volontaire » en ce qui concerne les décisions prises par des adolescents avec déficiences? Le rapport note à juste titre que les adolescents dépendent généralement de leurs parents pour l’alimentation, le logement, les vêtements, le transport et les loisirs.
- Le rapport n’indique pas que les adolescents malades et qui ont des incapacités peuvent être beaucoup plus dépendants de leurs parents (frères et sœurs et autres) pour obtenir de l’aide pour les soins personnels (transferts de lit en fauteuil roulant, toilette, habillage, bain, manger), les tâches ménagères et autres activités quotidiennes, rendez-vous chez le médecin ou le thérapeute, entretien des prothèses et des dispositifs médicaux, négociation avec les écoles pour des plans d’éducation, etc., etc.
- Un niveau de dépendance aussi élevé affectera la capacité de l’enfant à affirmer son indépendance dans la prise de toute décision, sans parler s’il se sent comme un « fardeau » pour la famille.
- Qu’est-ce que cela signifie quand on parle de « meilleurs l’intérêt de l’enfant »?
- Est-ce la norme définie par le modèle médical? Est-ce défini par les parents qui peuvent ne pas avoir un soutien adéquat? Est-ce défini selon une vision discriminatoire de la qualité de vie avec un handicap?
- Ou est-ce défini par les personnes qui vivent bien avec ce handicap et ont les services et le soutien dont elles ont besoin pour participer sur un pied d’égalité dans leurs communautés?
- Le rapport présente des études montrant que les adolescents ont la capacité intellectuelle de prendre des décisions médicales, mais que les autres fonctions cérébrales liées à la prise de décision prennent plus de temps à se développer. Les adolescents et les jeunes adultes ont souvent des problèmes avec:
- La contrôle des impulsions et comportement à risque;
- De fortes réactions émotionnelles;
- Des comportements de recherche de récompense et d’autostimulation;
- Les processus décisionnels complexes, planification préalable, évaluation des risques et des avantages;
- Des pensées et sentiments suicidaires et des comportements autodestructeurs.
- Alors, quelle est la maturité? Le rapport cite des affaires judiciaires qui mentionnent différents indicateurs:
- La compréhension que la mort est permanente et pas seulement le fait de « s’endormir » (p. 72);
- De l’expérience dans la prise de décision. Des personnes avec déficiences surprotégées peuvent avoir été privées de la possibilité de pratiquer dans des situations réelles (p. 46);
- Cela vaut la peine de demander; La maturité est-elle la même chose que de se conformer aux attentes de la famille ou de la société en ce que voudrait une personne handicapée ou en phase terminale?
- À la page 55, le rapport fait référence au « traitement proposé ». Mais le SA & E ne sont pas censés être « proposés » par une personne autre que celle qui veut mourir.
- La section 4.3.2 est intitulée « L’évaluation de la maturité des mineurs introduit un degré de contrôle supplémentaire qui n’est habituellement pas invoqué pour les adultes ». Il nous semble que ce niveau de contrôle devrait être appliqué à tout le monde, qu’importe l’âge. En fait, même les demandeurs dans l’affaire Carter avaient imaginé un processus d’évaluation plus sévère que celui que nous avons actuellement, notamment une évaluation psychiatrique obligatoire, et la détermination d’éligibilité fait par trois experts (voir Carter, paragraphes 873 à 881).
- À la page 101, le rapport affirme avoir montré que «les décisions autonomes relatives aux soins de santé peuvent incorporer les relations qui existent entre les jeunes patients et leurs parents/tuteurs et autres personnes qui comptent pour eux ». Ce serait formidable si c’était vrai, mais le rapport:
- ne prend pas en compte les effets de la discrimination fondée sur le handicap sur la personne et ses relations avec la famille et le personnel médical;
- fait peu pour reconnaître et protéger contre les attitudes négatives vis-à-vis du handicap et de la maltraitance des personnes handicapées; et
- minimise les problèmes émotionnels et de développement qui affectent les capacités décisionnelles des jeunes.
- Dans notre aperçu des rapports, nous avons parlé des conséquences de l’exclusion des personnes en situation de handicap des groupes de travail qui ont examiné les preuves et débattu de la question. Bien que le rapport des mineurs matures ait reconnu ce manque (p. 179) et inclus des entretiens avec trois « jeunes leaders » (p. 143). Le manque d’informations sur l’incapacité affecte le contenu du rapport:
- Il reconnaît, à juste titre, la méfiance des membres des Premières Nations à l’égard du milieu médical, tout en parlant peu des très bonnes raisons pour lesquelles les personnes handicapées se méfient du système de santé.
- Le rapport met correctement en évidence l’impact à long terme de la maltraitance des populations autochtones dans les pensionnats, tout en parlant peu des effets potentiels de la maltraitance des personnes en situation de handicap dans des institutions ou dans leurs familles d’origine.
- Les auteurs ont omis de noter l’importance du fait que deux des trois cas belges de mineurs matures tués au cours des trois dernières années avaient une incapacité chronique (la dystrophie musculaire et la fibrose kystique) (p. 132).
- Le groupe de travail ignore l’impact de la discrimination basé sur le handicap sur la création des conditions menant aux demandes de SA & E. L’affirmation selon laquelle « le handicap devrait être considéré comme une interaction entre les déficiences de la personne handicapée et les divers accommodements physiques et sociaux qui sont apportés à son milieu » (p. 148 et 174) ne prend pas en compte les préjugés et la discrimination.
- Le rapport n’évoque pas la possibilité que la dépression ou une autre maladie mentale se reproduise avec une incapacité ou une maladie terminale en tant que moteur de la demande de SA & E. Le rapport ne reconnaît pas non plus l’origine externe des problèmes émotionnels causés par l’oppression:
- La pression des pairs pour se conformer à une norme non handicapée,
- La maltraitance physique et sexuelle,
- La dévalorisation (causant une faible estime de soi),
- La surprotection,
- De faibles attentes,
- l’intimidation,
- Le sentiment d’impuissance face à des procédures médicales douloureuses et envahissantes, et
- L’isolement de ses pairs et de ses frères et soeurs.
- Le rapport sur les mineurs matures défend le droit des enfants de participer à la prise des décisions qui affectent leur vie, sans prendre en compte les facteurs internes et externes pouvant nuire à ce processus. Comme dans les autres rapports, le groupe de travail fonde son analyse sur le scénario optimal, alors que dans le monde réel, les enfants atteints d’une maladie dégénérative ou d’une incapacité peuvent prendre de telles décisions sous l’influence de forts niveaux de dépendance, de violence physique et psychologique, l’impact des perspectives négatives du handicap sur leur estime de soi, le stress de l’isolement, les procédures médicales pénibles, la pression des pairs et l’intimidation, ainsi que les difficultés de développement ordinaires de l’adolescence. Est-il sage de baser une politique de fin de vie sur un scénario optimal qui peut en réalité ne se produire que rarement? Pouvons-nous réellement affirmer qu’un enfant soumis à ces pressions prend un choix libre et éclairé, quel que soit le degré de solennité, d’objectivité et de maturité de son apparence? En tant que société, n’est-il pas de notre devoir de reconnaître et de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les adolescents et leurs familles plutôt que de prétendre que les enfants malades et handicapés sont universellement aimés et appréciés de tous les parents qui bénéficient du soutien nécessaire pour s’occuper de tous leurs enfants?