21 994 victimes

Dire que les personnes à risque d’euthanasie ont le choix de mourir, alors que celles à risque de COVID n’ont pas de choix, peut être un exemple de distinction sans différence.

Heidi Janz, Ph.D. et Amy Hasbrouck

21,994.

C’est le nombre de Canadiens décédés du COVID-19 au 1er mars 2021

C’est également le nombre approximatif de personnes qui sont mortes par euthanasie depuis que la pratique a été légalisée en juin 2016.

Le Canada a des politiques publiques très différentes à l’égard de ces deux groupes de personnes. Pour les personnes à risque de COVID-19 (qui concerne tout le monde, mais surtout les personnes âgées), le gouvernement a imposé des mesures de santé publique telles que les confinements et le port de masques, a fourni un soutien financier pour alléger le fardeau économique de la quarantaine, et a mobilisé des ressources financières, humaines et logistique pour vacciner la population. Pour les personnes à risque d’euthanasie (c’est-à-dire toutes les personnes handicapées – qu’elles soient également atteintes ou non d’une maladie en phase terminale – mais surtout les personnes âgées), le gouvernement a rendu l’euthanasie plus facile à obtenir que les soins palliatifs ou de santé mentale, sans tests de capacité obligatoires. ou une intervention de prévention du suicide. Le système de surveillence de l’aide médicale à mourir (AMM) masque les données sur l’impact de l’euthanasie sur les populations vulnérables et ne vérifie pas que tous les décès par euthanasie sont effectivement signalés. De plus, le gouvernement libéral s’efforce d’éliminer quatre protections et d’élargir l’accès au programme avant qu’il ne fasse l’objet d’une évaluation obligatoire… en pleine pandémie mondiale.

Le gouvernement libéral et les promoteurs du suicide assisté et de l’euthanasie (qui sont souvent identiques) diraient que la différence entre les personnes à risque d’euthanasie et celles à risque de COVID est qu’un groupe a le choix en la matière et l’autre non. Cela peut être un exemple de distinction sans différence en ce qu’il ignore la réalité et l’impact du capacitisme systémique. Prenons les cas de Sean Tagert, Archie Rolland, Raymond Bourbonnais, Jean Truchon, Yvan Tremblay, Pierre Mayence et Gabriel Bouchard. Toutes ces personnes vivaient dans des établissements de soins de longue durée ou risquaient d’être placées en institution. Tous ont choisi le suicide ou l’euthanasie plutôt que de continuer dans ce qu’ils considéraient comme des circonstances intolérables. À notre connaissance, aucun d’entre eux n’a reçu d’intervention de prévention du suicide ou de soutien pour vivre de façon autonome dans la communauté. Où est donc le choix là-dedans?

Le gouvernement a un choix; d’entreposer les gens dans des institutions, ou d’utiliser les mêmes fonds pour permettre aux aînés et aux personnes handicapées de vivre dans leur propre maison avec l’aide de préposés qu’ils embauchent, forment, supervisent et (si nécessaire) renvoient. Le gouvernement a également le choix de fournir des interventions de prévention du suicide, des soins palliatifs et des soutiens communautaires avant d’autoriser l’euthanasie, mettant ainsi le cheval de sauvetage avant la charrette de la mort.

Les défenseurs des droits des personnes en situation de handicap constatent que le capacitisme médical est courant. Les professionnels de la santé négligent les problèmes ordinaires (comme la perte d’emploi et les ruptures de relations) et attribuent le stress lié à la discrimination (comme la pauvreté, l’isolement, la faible estime de soi) au handicap de la personne. Les médecins évaluent régulièrement la qualité de vie des personnes ayant des incapacitéa comme étant inférieure à celle des personnes non handicapées; quelle attitude influence la manière dont ils traitent leurs patients avec déficiences. De telles confluences capacitantes du handicap avec l’oppression structurelle et la stigmatisation sociale qu’elle engendre aboutissent souvent à ce que les personnes avec déficiences soient systématiquement poussées vers le « choix » de mettre fin à leurs jours par l’AMM.

La réalité et les effets du capacitisme systémique sont également ignorés dans les réponses du gouvernement aux effets du COVID sur les Canadiens malades, âgés et handicapés. Malgré l’attention initiale des médias, le tollé du public et les gouvernements appelant l’armée à aider les établissements de soins de longue durée au printemps dernier, l’intérêt du public pour le nombre élevé de morts et les conditions déplorables dans les centres de soins de longue durée a manifestement diminué. Il en va de même pour la volonté politique de commencer à démanteler le système de soins de longue durée dysfonctionnel et déshumanisant. Attester de la résistance à laquelle fait face le militant des droits des personnes en situation de handicap Jonathan Marchand de Co-op Assist dans ses efforts pour réorienter les ressources financières et humaines vers un modèle de soins axé sur la communauté et dirigé par l’usager au Québec. Parallèlement, des protocoles de triage qui énumèrent la préexistence d’un handicap comme critère d’exclusion des soins intensifs, si le rationnement devient nécessaire, ont été discrètement introduits dans de nombreuses provinces et territoires. Les Canadiens handicapés, malades et âgés continuent donc d’être confrontés à de multiples formes mortelles de discrimination systémique et d’isolement social, même au milieu de messages de santé publique omniprésents vantant l’importance de « protéger nos plus vulnérables ».

Une préoccupation gouvernementale fallacieuse pour les populations « vulnérables » peut également être vue dans le manque de suivi des données sur la race, le statut d’autochtone et de handicap, le désavantage économique et les conditions préexistantes, à la fois parmi les personnes atteintes du COVID-19 et les personnes qui demandent et reçoivent l’AMM. Cet échec témoigne de la manière dont le capacitisme systémique facilite l’effacement des personnes handicapées, tout comme le racisme systémique efface les peuples autochtones et racialisés, et d’autres populations défavorisées sont littéralement comme au figurées anéantis. Nous ne sommes pas comptés parce que nous ne comptons pas, du point de vue de la société.

Le gouvernement Libéral ne semble pas au courant de l’ironie – l’hypocrisie – de pousser à étendre l’euthanasie par le biais du projet de loi C-7, tout en essayant de réduire les décès par COVID en protégeant « les personnes vulnérables ». Quel genre de contorsions intellectuelles et éthiques sont nécessaires pour dire qu’on essaie de protéger les citoyens vulnérables du COVID, tout en offrant une « autonomie » en permettant à ces mêmes personnes d’obtenir de l’aide à mourir plus facilement que pour eux de recevoir de l’aide pour vivre? Oh, attendez! Ce doivent être les mêmes contorsions intellectuelles et éthiques qui ont permis aux libéraux de citer la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées dans le préambule du projet de loi C-7, malgré que trois experts des droits de l’homme des Nations Unies ont déclaré que le régime canadien d’AMM en place enfreint cette même Convention.

Pensez à « hypocrisie », Justin Trudeau, David Lemetti, Patti Hajdu et Carla Qualtrough?

Nous pouvons le dire. (et l’un de nous a un trouble de la parole.)

TVNDY