La Loi sur l’accessibilité du Canada n’est pas tout ce que nous espérions

La Loi sur l’accessibilité du Canada n’est pas tout ce que nous espérions – 29 juin 2018
Taylor Hyatt – Analyste des politiques et coordonnatrice de la sensibilisation, Toujours Vivant-Not Dead Yet

Le 20 juin 2018, la ministre des Sports et des Personnes handicapées, Kirsty Duncan, a présenté le projet de loi Canadien sur l’accessibilité après un processus de consultation de deux ans. Les défenseurs des droits des personnes avec déficiences espèrent que le projet de loi C-81, la Loi canadienne sur l’accessibilité, créera des exigences uniformes et strictes pour les entreprises et les services relevant de la compétence fédérale, mais le projet de loi contient de nombreux problèmes potentiels.

Le nouveau projet de loi a un début prometteur, citant les lois existantes interdisant la discrimination fondée sur le handicap, notamment la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi sur les droits de la personne et la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. La définition de « handicap » est large; elle comprend une « déficience physique, mentale, sensorielle, trouble d’apprentissage, ou de communication ou de limitation fonctionnelle […] dont interaction avec un obstacle, nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société. » Une déficience peut être « permanente, temporaire ou épisodique. »

L’objet de la loi est « la transformation graduelle du Canada … en un pays exempt d’obstacles, à l’avantage de tous, en particulier des personnes handicapées … par la reconnaissance et l’élimination d’obstacles » et le développement de normes de conception accessibles. Le projet de loi ne dit rien pour mettre fin à la discrimination ou conférer des droits égaux, en substituant  des termes comme « participation égale » et « chances. »

Le projet de loi C-81 serait un petit complément aux lois provinciales sur les droits des personnes handicapées (en anglais) actuellement en vigueur. Le projet de loi promet d’éliminer les obstacles dans:

  • l’emploi;
  • l’environnement bâti;
  • les technologies de l’information et de la communication;
  • l’achat de biens et de services;
  • la prestation de programmes et de services; et
  • le transport;

Cependant, il ne s’appliquera qu’aux organisations, services et entreprises sous contrôle fédéral, tels que:

  • Agences fédérales
  • Radiodiffusion et télécommunications
  • Banques et services financiers
  • Transport (international et entre les provinces)
  • Le Parlement et ses activités
  • Le militaire et la GRC
  • Les terres publiques

Cela contraste avec les activités de compétence provinciale.

  • Hôpitaux et soins de santé
  • Les services sociaux
  • Les grandes villes et les villages
  • La Propriété et les droits civils
  • La justice civile et pénale
  • Le transport (dans la province)
  • L’éducation
  • Le logement

La coopération et la communication entre les différents niveaux de gouvernement pour garantir une protection intégrée des droits civils ne sont pas assurées. L’article 16 stipule que « le ministre peut collaborer avec les autorités provinciales ou territoriales en vue de coordonner les efforts concernant les questions d’accessibilité. »

Nous avons souvent des raisons de critiquer les politiques américaines, mais une chose qu’ils ont bien faite, c’est la couverture des entreprises privées – les restaurants et les cabinets de médecins, par exemple – en vertu de la loi américaine sur les personnes handicapées.

Trois nouvelles autorisations seront créées en vertu de la Loi sur l’accessibilité du Canada.

  • L’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité rédigera de nouvelles normes d’accessibilité, mènera des recherches et fournira de l’information sur la façon d’identifier, d’éliminer et de prévenir les obstacles. Ces normes ne semblent pas avoir force de loi. L’Organisation comptera 11 administrateurs (dont la majorité sera des personnes avec déficiences) et un président-directeur général nommé pour un mandat de cinq ans (renouvelable).
  • Le dirigeant principal de l’accessibilité est nommé par le gouverneur en conseil pour aviser le ministre sur les questions d’accessibilité.
  • Le commissaire à l’accessibilité est membre de la Commission des droits de la personne, qui est la principale responsable de l’application de la loi.

Alors, que doivent faire les organisations régies par la loi? Ils doivent publier un « plan sur l’accessibilité » décrivant « ses politiques, ses programmes, ses pratiques et ses services en ce qui a trait à la reconnaissance et à l’élimination d’obstacles ainsi qu’à la prévention de nouveaux obstacles. » L’agence ou la société n’est pas tenue de désigner quiconque pour prévenir la discrimination, mettre en œuvre le plan sur l’accessibilité ou d’éliminer des obstacles. Le projet de loi ne prévoit pas non plus que le financement soit alloué ou que des délais soient imposés pour l’élimination des obstacles. Le plan sur l’accessibilité doit être mis à jour au plus tard trois ans après sa première publication et mis à la disposition de ceux qui le demandent. Les personnes avec déficiences doivent être consultées à la fois sur l’élaboration des plans et sur des rapports périodiques qui montrent les progrès de l’agence dans la mise en œuvre du plan sur l’accessibilité.

Si quelqu’un subit des « préjudices physiques ou psychologiques, des dommages matériels ou des pertes économiques … suite d’une contravention » de la Loi sur l’accessibilité du Canada, il peut déposer une plainte directement auprès du commissaire à l’accessibilité. Le commissaire reçoit et traite les plaintes, effectue des inspections de conformité, émet des avis de violation et des ordonnances de conformité, conclut des ententes de conformité, ordonne le paiement de pénalités et produit des rapports sur les progrès de la Loi sur l’accessibilité.

La Loi sur l’accessibilité du Canada laisse beaucoup à désirer. Essentiellement, cela revient à un gouvernement qui réglemente le gouvernement, appliqué par le gouvernement. L’efficacité de la Loi peut être résumée par l’article 133, qui désigne la « Semaine nationale de l’accessibilité » à compter du dernier dimanche de mai de chaque année. C’est un beau geste, mais ça ne créera pas les changements pratiques dont nous avons besoin. La semaine d’accessibilité équivaut à mettre de la glace sur un gâteau qui n’a pas fini de cuire. Après avoir attendu si longtemps une loi qui simplifierait les efforts pour améliorer l’accessibilité, les Canadiens avec déficiences méritent mieux.

TVNDY