Archive des webémissions: La discrimination et les catastrophes naturelles

Une webémission sur: les catastrophes naturelles, les hôpitaux et les situations de discrimination. Nous examinons l’ouragan Katrina et les épidémies d’Ebola, ainsi que l’historique, la justification et des exemples de systèmes de triage.

Dans cet épisode de l’Euthanasie et l’incapacité, Amy Hasbrouck et Christian Debray discutent:

  • La discrimination dans les hôpitaux après des catastrophes naturelles

Veuillez noter que ceci n’est qu’un script et notre webémission inclut des commentaires additionnels.

APRÈS DES CATASTROPHES NATURELLES, LA DISCRIMINATION DANS LES HÔPITAUX

  • Il y a deux semaines, nous avons discuté des effets de l’incapacité sur la planification et le redémarrage après une catastrophe naturelle. Nous avons brièvement abordé la manière dont les ressources limitées en matière de secours et de soins de santé sont attribuées en cas d’urgence majeure.
  • Les hôpitaux le font déjà tous les jours. Les services d’urgence et les unités de soins intensifs (USI) utilisent régulièrement des systèmes de triage (plutôt que des méthodes aléatoires telles que le « premier arrivé, premier servi » ou par tirage au sort) pour déterminer qui est traité en premier et qui a accès à un nombre limité de lits en USI et à du matériel d’imagerie diagnostique. Dans des conditions normales (lorsque les ressources sont abondantes et que la demande est dans une fourchette normale), plus la personne est malade, plus tôt elle sera traitée. Par exemple, quelqu’un avec un os cassé sera probablement reçu avant une personne avec un nez bouché.
  • Le baron Dominique Jean Larry, chirurgien de combat de Napoléon, fut le premier à utiliser un système de triage et « d’ambulances volantes. » Son plan était guidé par l’idée que « tout blessé quelle que soit sa nationalité … devient son blessé. », conformément à la valeur d’égalité de la Révolution française.
  • Mais les objectifs du triage sur le champ de bataille ne sont pas les mêmes que dans les hôpitaux ou les situations de catastrophe. En 1846, le chirurgien de la marine britannique John Wilson accorda une priorité plus élevée aux personnes dont le traitement était susceptible de réussir. Sa politique a retardé le traitement des personnes ayant des blessures moins graves et de celles dont les blessures sont probablement mortelles.  Cette tendance continue jusqu’à aujourd’hui.
  • Le triage comporte trois éléments:
    • une situation où les ressources sont insuffisantes pour le nombre de personnes qui en ont besoin;
    • Une personne en autorité évalue les besoins de chaque personne et leur attribue une priorité.
    • Les priorités sont assignées selon un système ou un plan établi.
  • Il vaut la peine de noter que les valeurs censées guider les systèmes de triage peuvent être plus dangereuses pour les personnes avec déficiences qu’il n’y paraît:
    • Préserver et protéger la vie humaine en danger. Étant donné que les vies des personnes ayant des incapacités ne sont souvent pas considérées comme tout à fait humaines, cette valeur risque de ne pas être appliquée strictement aux personnes avec déficiences.
    • Préserver ou restaurer la fonction ou la santé. Parce que les personnes avec déficiences ne peuvent pas être « rétablies » à une santé « normale », cette valeur agit également comme un préjudice à notre égard.
    • L’utilisation efficace des ressources a pour but d’atteindre le meilleur résultat global. Lorsque les deux premières valeurs ne soutiennent pas fortement les soins des personnes en situation de handicap, l’utilisation de ressources pour les aider ne sera pas considérée comme « efficace ».
    • L’équité:
      • Actions conformes aux règles convenues : La perception et les préjugés du décideur détermineront s’ils appliquent les règles de manière équitable.
      • Actions conformes aux normes ou principes de justice acceptés : Qu’est-ce qui est « accepté » dans une société qui considère la vie avec un handicap comme un destin pire que la mort?
  • La plupart des systèmes de triage donnent quelque chose comme ceci:
    • Priorité 1 – personnes ayant besoin d’un traitement immédiat pour sauver sa vie (étiquette rouge);
    • Priorité 2 – Personnes ayant besoin de soins médicaux urgents, mais non immédiats (étiquette jaune);
    • Priorité 3 – personnes ne nécessitant qu’un traitement mineur (étiquette verte);
    • Priorité 4 – Les personnes qui ne sont pas physiquement blessées, mais qui pourraient être traumatisées ou désorientées (étiquette blanche);
    • Priorité 5 – Personnes si gravement blessées qu’on s’attend à ce qu’elles meurent de leurs blessures en quelques heures ou quelques jours. (Étiquette noire).
  • Cependant, l’échelle canadienne de triage et de gravité est plus optimiste
    • Niveau 1 – Réanimation (bleu)
    • Niveau 2 – Très urgent (rouge)
    • Niveau 3 – Urgent (jaune)
    • Niveau 4 – Moins urgent (vert)
    • Niveau 5 – Non urgent (blanc)
  • Lorsque nous parlions de catastrophes il y a deux semaines, nous avons mentionné un livre du docteur Sheri Fink, intitulé Five Days at Memorial, (non-traduit) qui traitait des événements et des décisions ayant conduit à l’euthanasie d’environ 20 personnes dans un hôpital de La Nouvelle-Orléans après l’ouragan Katrina. Le personnel a identifié des personnes avec des ordres de « Ne pas réanimer, » des personnes qui ne pouvaient pas marcher ou qui étaient difficiles à transporter comme les dernières à évacuer, bien que la plupart d’entre elles ne risquaient pas de mourir. Alors que les conditions stressantes s’accroitront jusqu’au troisième jour et que le personnel médical était en train d’être évacué par hélicoptère, il devint évident que ce groupe de patients ne serait pas évacué. Plutôt que de les abandonner, le personnel médical a choisi d’administrer de fortes doses de morphine et de sédatifs pour les euthanasier.
  • Là où ils existent, les protocoles d’allocation des ressources médicales sont généralement élaborés par des agences gouvernementales, des groupes d’experts, des administrateurs d’hôpitaux et des actuaires de l’assurance. Si certaines de ces politiques sont flexibles, d’autres contraignent les praticiens médicaux à refuser les soins aux personnes âgées ou ceux qui souffrent d’affections médicales telles qu’une insuffisance rénale ou un cancer avancé.  L’Ontario a élaboré un protocole en 2006 à la suite de l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) afin de se préparer à une épidémie à grande échelle. Le Québec en a aussi développé un Guide de gestion de l’urgence.
  • En 2016, Sheri Fink a couvert une série de consultations publiques organisées dans l’État du Maryland en vue de créer une politique permettant de hiérarchiser les soins de santé en cas d’urgence. Les organisateurs ont constaté qu’une perspective plus large soulevait des questions inattendues sur la discrimination et l’accès aux ventilateurs pour les personnes dans le coma.
  • Ces problèmes ne se limitent pas aux pays développés ou occidentaux. À la suite du tremblement de terre et de la fusion nucléaire de l’installation de Fukushima en 2011, ceux dont l’évacuation des hôpitaux voisins était retardée couraient un risque accru d’empoisonnement par rayonnement. Et lors des épidémies d’Ebola en 2014 en Afrique, les travailleurs de la santé ne pouvaient passer que peu de temps en combinaisons de protection contre les risques biologiques qui surchauffaient rapidement, limitant ainsi les soins aux patients et obligeant à des choix angoissants.
  • La discrimination fondée sur l’incapacité n’apparaît pas seulement dans les politiques de triage et d’attribution. Sous l’administration Trump, la Federal Emergency Management Agency des États-Unis a réduit de 60 à cinq le nombre de coordonnateurs de l’accessibilité disponibles pour traiter les problèmes des personnes avec déficiences sur les sites sinistrés.
  • Marcie Roth, du Partnership for Inclusive Disaster Strategies, est une ancienne employée de la FEMA. Elle anticipe beaucoup de confusion et de besoins non comblés après ces coupures. Les coordinateurs sont désormais censés superviser les zones sinistrées par téléphone plutôt qu’en personne.
  • Certaines personnes de l’Hôpital Memorial de la Nouvelle-Orléans avaient des membres de leur famille avec eux pour défendre leurs intérêts, obtenir de l’eau ou des médicaments, ou tenter de faire retirer les « ONR. » Même dans ce cas, certains membres de la famille, qui ne quitteraient l’hôpital qu’avec une assurance que leur proche serait bientôt évacué, ont appris par la suite que leur proche avait été euthanasié. Malheureusement, nous devons faire preuve de vigilance en demandant de l’aide pour vivre et non pour mourir.

 

TVNDY