Archive des webémissions: La loi canadienne sur l’accessibilité

Cette semaine, nous discutons des problèmes et des réalisations de la nouvelle législation canadienne sur l’accessibilité.

Dans cet épisode de l’Euthanasie et l’incapacité, Amy Hasbrouck, Christian Debray, et Taylor Hyatt discutent:

  • La loi canadienne sur l’accessibilité

Veuillez noter que ceci n’est qu’un script et notre webémission inclut des commentaires additionnels.

LA LOI CANADIENNE SUR L’ACCESSIBILITÉ

  • Comme nous l’avons déjà mentionné, le projet de loi C-81, la Loi canadienne sur l’accessibilité, (la LCA) a été déposé le 20 juin 2018, juste avant la fermeture du Parlement pour l’été. Taylor et Amy ont écrit un blogue décrivant le projet de loi et certaines de ses lacunes. De plus, l’organisme Québec accessible a fait une analyse du projet de loi, et nous vous recommandons de consulter ces sources.
  • LA LCA n’est pas un projet de loi sur les droits civils. Dans le préambule, la LCA fait référence aux lois existantes interdisant la discrimination fondée sur l’incapacité, notamment la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi sur les droits de la personne et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Mais ce sont les seules références à la « discrimination » dans l’ensemble du projet de loi; le mot n’apparaît jamais dans le texte même du projet de loi. Bien que le projet de loi prévoie une « participation égale », il ne dit rien sur « l’égalité » tout court.
  • Le projet de loi prévoit « la transformation graduelle du Canada … en un pays exempt d’obstacles. » Ces trois points signifient « dans le champ de compétence législative du Parlement ». La LCA ne s’appliquerait qu’aux organisations et services sous contrôle fédéral, tels que:
    • la radiodiffusion et les télécommunications;
    • les banques et services financiers;
    • le transport (international et entre provinces);
    • le Parlement;
    • les militaires et la GRC; et
    • les terres publiques, les services postaux et le recensement.
  • Comparez ceci avec des activités de compétence provinciale, telles que:
    • les hôpitaux et les soins de santé;
    • les services sociaux;
    • les villages et les villes;
    • la propriété, l’enregistrement civil (naissances et décès) et les affaires familiales;
    • le transport (dans la province);
    • l’éducation; et
    • le logement.
  • La LCA ne peut pas surmonter la portée limitée des lois fédérales énoncées dans la constitution. Le projet de loi suggère une coopération et une communication entre les différents niveaux de gouvernement pour assurer la protection des droits civils. L’article 16 stipule que « Le ministre peut collaborer avec les autorités provinciales ou territoriales en vue de coordonner les efforts concernant les questions d’accessibilité. »
  • La LCA n’est même pas un projet de loi d’accès à l’environnement bâti; il lui manque des exigences spécifiques et des délais pour atteindre ses objectifs. Il n’exige pas que les installations existantes soient modifiées pour devenir accessibles, ni que les bâtiments rénovés soient accessibles.  Il n’en profite même pas pour renforcer l’exigence selon laquelle les nouvelles constructions doivent satisfaire aux normes d’accès.
  • Les organisations régies par la loi doivent publier un « plan sur l’accessibilité » décrivant « ses politiques, ses programmes, ses pratiques et ses services en ce qui a trait à la reconnaissance et à l’élimination d’obstacles ainsi qu’à la prévention de nouveaux obstacles ».
    • L’agence ou la corporation n’est pas obligée de nommer une personne responsable de la prévention de la discrimination, de la mise en œuvre du plan sur l’accessibilité ou de l’élimination des obstacles.
    • Le projet de loi n’impose pas non plus d’exigence afin que des fonds soient affectés ou que des délais soient imposés pour l’élimination des obstacles.
    • Les personnes avec déficiences doivent être consultées sur l’élaboration des plans sur l’accessibilité et sur les rapports périodiques indiquant les progrès de l’agence dans la mise en œuvre du plan d’accessibilité.
  • Finalement, la LCA est un projet de loi visant à la planification pour l’élimination des obstacles architecturaux à un moment donné … si l’agence désire le faire. Les organismes fédéraux couverts par la LCA sont autorisés à se soustraire au mandat de faire, publier et (probablement) appliquer les plans d’accessibilité.
  • La LCA définit « obstacle » comme « tout élément… qui nuit à la participation pleine et égale…» des personnes en situation de handicap. Cette définition est tellement floue qu’un tribunal peut très bien la qualifier de trop large et vague.
  • L’idée selon laquelle « l’élimination des obstacles » peut mettre fin à la discrimination est une simplification excessive et n’indique pas les mesures positives nécessaires pour assurer l’égalité des personnes avec déficiences; tels que des aménagements raisonnables ou l’exigence d’un niveau minimum de service de transport accessible.
  • L’élimination d’obstacles ne traite pas non plus de nombreuses formes de discrimination, telles que:
    • La ségrégation (séparer les personnes ayant ou sans incapacités),
    • avoir des critères d’admissibilité qui tendent à exclure les personnes avec déficiences (comme exiger un permis de conduire en guise d’identification),
    • demander des frais supplémentaires pour les aménagements raisonnables (comme une vidéodescription ou une chambre d’hôtel accessible).
  • « L’élimination des obstacles » n’aborde pas non plus la politique publique qui favorise l’institutionnalisation ou les soins personnels administrés par une agence plutôt que de donner des fonds à des personnes pour embaucher leurs propres préposés. Ces politiques stimulent la demande de suicide assisté et d’euthanasie (le SA & E).
  • Un autre élément lié au SA & E; le projet de loi ne dit rien sur le lien entre « l’élimination des obstacles » dans la diffusion de la radio et la télévision et éviter les représentations stéréotypées de l’incapacité, surtout le préjugé que le handicap est un sort pire que la mort.
  • Le projet de loi définit le « handicap » de manière large, comme une « déficience physique, intellectuelle, mentale ou sensorielle, trouble d’apprentissage ou de la communication ou limitation fonctionnelle … dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société. »  Cette définition présente deux problèmes majeurs:
    • Premièrement, il ne couvre pas les personnes victimes de discrimination parce qu’elles:
      • sont soupçonnés d’avoir une incapacité,
      • ont un dossier ou des antécédents d’une incapacité, ou
      • sont associés à une personne avec déficiences.
    • Deuxièmement, il comprend des conditions « temporaires » (comme peut-être une jambe cassée). Cela risque de rendre la définition trop large pour qu’elle soit irréalisable et politiquement inacceptable.  C’est à noter que la traduction française mentionne les limitations « épisodiques » au lieu d’utiliser le mot « sporadic » comme dans la version anglaise.  Ceci est une différence très important, parce que les incapacités épisodiques (comme la sclérose en plaques ou le lupus) doivent être inclus dans la définition du « handicap. »  Le mot « sporadic » est inexact, et pourrait diminuer la crédibilité du projet de loi.
  • La Loi canadienne sur l’accessibilité prévoit la création de trois nouvelles autorités.
    • Le commissaire à l’accessibilité est un membre de la Commission des droits de la personne, qui est le principal responsable de l’application de la loi. Cette personne:
      • fournit une assistance technique au ministre sur les questions d’accessibilité;
      • produit un rapport annuel;
      • est chargé de recevoir et d’enquêter sur les plaintes; et
      • émet des ordonnances de conformité en vertu de la loi.
    • Le dirigeant principal de l’accessibilité conseillerait le ministre sur les questions d’accessibilité.
    • L’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité permettrait l’élaboration de nouvelles normes d’accessibilité, mènerait des recherches et fournirait de l’information sur la façon d’identifier, de supprimer et de prévenir les obstacles. Ces normes ne sont pas obligatoires, n’auront pas force de loi et n’ont pas de délai pour les produire. L’Organisation comptera onze administrateurs (dont la majorité sera des personnes handicapées) et un directeur général nommé pour un mandat de cinq ans (renouvelable).
  • La LCA n’impose aucun délai pour la publication des règlements.
  • Enfin, l’article 133 de la LCA désigne « la Semaine nationale de l’accessibilité » qui débute le dernier dimanche de mai de chaque année. À l’instar du projet de loi lui-même, c’est un bon geste, mais cela ne créera pas les changements pratiques dont nous avons besoin pour parvenir à une véritable égalité. La « semaine de l’accessibilité » équivaut à mettre la cerise sur un gâteau qui, comme le projet de loi, n’est qu’à moitié cuit.
TVNDY