Archive des webémissions: L’incapacité et les publicités, Partie II

Cette semaine, nous nous intéressons au handicap dans la publicité, notamment les campagnes de Tommy Hilfiger, Apple et la tristement célèbre publicité de LifeCall.

Dans cet épisode de l’Euthanasie et l’incapacité, Amy Hasbrouck, Christian Debray, et Taylor Hyatt discutent:

  • L’incapacité et les publicités, Partie II

Veuillez noter que ceci n’est qu’un script et notre webémission inclut des commentaires additionnels.

L’INCAPACITÉ ET LES PUBLICITÉS, Partie II

  • Bienvenue à la deuxième partie de notre conversation sur l’incapacité et la publicité. Aujourd’hui, nous explorerons les différences entre les publicités destinées aux personnes avec ou sans déficiences, les campagnes de sensibilisation et la façon dont la publicité peut être utilisée pour normaliser le handicap.
  • La conception et la publicisation sont différentes selon qu’ils s’adressent à des personnes en situation de handicap ou à des personnes non handicapées qui fournissent des soins. Prenons des vêtements adaptés comme illustration. Les vêtements conçus pour s’habiller de façon indépendante ont de différentes caractéristiques que ceux conçus pour habiller une autre personne. Par exemple, les chemises qui se ferment à l’arrière peuvent être faciles à mettre sur une personne avec une déficience, mais plus difficile pour la personne elle-même à endosser.  Un autre exemple est celui des salopettes qui « ont une fermeture éclair en arrière pour empêcher le porteur de se déshabiller de façon inappropriée. »  Et puisque la plupart des vêtements adaptatifs sont conçus pour les aînés, ils peuvent frapper les jeunes consommateurs (pour citer un ami). « MOCHE! »
  • La publicité destinée aux personnes en situation de handicap met l’accent sur l’indépendance, l’aspect pratique (les pantalons qui ne glissent pas lors du transfert), le confort (prévention des plaies par pression) et le style. Les publicités destinées aux soignants mettent l’accent sur la commodité et la durabilité.
  • Deux entreprises démontrent des approches radicalement différentes de la conception et de la commercialisation de la mode accessible. Dans ce clip de Tommy Hilfiger, un adolescent en fauteuil roulant se prépare pour une séance de photos de famille. La caméra fait un zoom sur sa mère, qui pousse sa chaise et attache le Velcro sur les manches de chemise de trois tenues différentes. Tout est fait au pour et en fonction du garçon; La publicité s’adresse aux soignants comme la maman, même si ce n’est pas elle qui va porter les vêtements qu’ils vendent.
  • En revanche, les séances de photos de la collection IZ, (maintenant fermée), créées par le célèbre designer Izzy Camilieri, montrent les utilisateurs de fauteuils roulants dans des tenues modernes et élégantes. Ils sont trouvés dans une variété de cadres; les jardins, les bureaux et les quartiers commerciaux, sans aidant en vue. Tout ce qui rend les vêtements « accessibles », des attaches alternatives à la coupe d’un jean, est invisible au spectateur. L’objectif est de rendre les utilisateurs de fauteuils roulants à la mode, plutôt que d’améliorer la vie des préposées.
  • Au cours des dernières semaines, nous avons comparé la façon dont les personnes handicapées sont représentées par des organismes de bienfaisance gérés par des personnes non handicapées et des organisations par et pour des personnes en situation de handicap. Les campagnes de sensibilisation et de collecte de fonds conçues par et pour les personnes non handicapées soulignent souvent les difficultés de vivre avec une condition particulière, pour la personne elle-même et pour son entourage. Les téléspectateurs sont censés avoir pitié des parents d’enfants handicapés, dont les rêves d’élever un enfant « normal » ont été « volés ». L’autisme est un exemple commun. L’année dernière, Caudwell Children, une organisation caritative pour enfants au Royaume-Uni, a créé une campagne de collecte de fonds «Locked in for Autism» (« Enfermé pour l’autisme »). Les participants récolteraient des fonds en restant pendant 50 heures dans une boîte de verre géante exposée dans une épicerie. La boîte est censée représenter l’isolement, les problèmes de communication, et les « regards fixe » que les personnes autistes doivent affronter. Cela crée une idée erronée de l’expérience de l’autisme qui entraine de la peur chez le spectateur et augmente la distance entre les personnes handicapées et non handicapées. En situant la cause du problème avec les autistes et en favorisant les stéréotypes, il renforce les barrières de communication entre les autistes et les personnes neurotypiques, plutôt que de les briser.
  • Les campagnes de sécurité publique envoient aussi le mauvais message sur l’incapacité lorsqu’elles utilisent « devenir handicapé » comme conséquence possible de la conduite avec facultés affaiblies ou de la négligence au travail. En plus de présenter le handicap comme quelque chose à craindre, ces campagnes renforcent la croyance que l’incapacité est une « punition » et que nous sommes personnellement responsables de nos conditions. En 2000, les mères contre l’alcool au volant ont sorti une affiche avec une place de stationnement accessible et la légende « Toutes les 48 secondes, un conducteur ivre rend une autre personne admissible à se garer ici. »
  • Quinze ans plus tard, la Commission de la santé et de la sécurité au travail du Québec a fait la même erreur en publiant un spot publicitaire sur les blessures en milieu de travail. En 60 secondes, un amputé dans une piscine publique doit expliquer à un enfant pourquoi son bras est manquant, une femme dans un salon de coiffure doit choisir un style qui cachera les cicatrices au visage, et un papa en fauteuil roulant ne peut pas donner un câlin à sa fille effrayée. (Les gens sont montrés comme ayant honte de leurs conditions. Le dernier scénario est une représentation inexacte de l’incapacité dans la vie de famille, bien sûr, la fille a l’habitude de grimper sur les genoux de son papa et trouver du réconfort là, indépendamment de l’emplacement de ses bras.)
  • Encore une fois, la campagne publicitaire situe le problème avec le handicap, plutôt que les attitudes du public envers le handicap. De plus, il envoie un message inexact au sujet de la quantité de contrôle que les travailleurs de première ligne exercent sur la sécurité au travail. En fait, il incombe à la direction d’éduquer les travailleurs sur les procédures de sécurité, de fournir des équipements de sécurité et de faire respecter les mesures de sécurité. Pourtant, l’annonce impose à l’employé la responsabilité de communiquer des conditions dangereuses, sinon gare …
  • Les efforts visant à rendre le handicap plus normal en commercialisant des produits pour les personnes en situation de handicap ont eu des résultats mitigés. Un exemple précoce est la publicité pour le système d’alerte LifeCall qui était populaire dans les années 1980 et 90 pour toutes les mauvaises raisons. Malheureusement, la réplique d’une actrice (« Je suis tombé et je ne peux pas me lever! ») est devenue une blague, et la base de plusieurs chansons de rap à cause de l’élocution exagérée de l’actrice.
  • D’autre part, en 2010, l’entreprise Kimberly-Clark a lancé une série primée de publicités humoristiques pour ses serviettes d’incontinence Poise mettant en vedette Whoopi Goldberg. Des annonces récentes pour les produits d’incontinence continuent à faire des efforts pour éliminer la stigmatisation associée aux fuites urinaires. Une publicité de « sensibilisation » de Depends montre des jeunes « cool » qui modèlent leurs sous-vêtements.
  • Ces campagnes auraient-elles aidé Annette Blackman, une femme de 34 ans qui est morte en 1997 aux mains de Jack Kevorkian parce que la sclérose en plaques l’avait rendue incontinente? Est-ce qu’elles changent vraiment l’opinion populaire des gens qui ont besoin de ces produits, ou renforcent-ils le statu quo d’une société qui valorise la jeunesse, la beauté et la forme physique? Combien de personnes considéreraient ces parties normales du vieillissement comme des handicaps acquis?
  • De nombreux groupes ont utilisé les médias sociaux pour rendre le handicap plus « normal ». La fondation Crohn et Colitis UK a lancé la campagne « Get Your Belly Out » (« Montrer vos ventres ») pour montrer aux personnes avec des colostomies qu’elles ne sont pas seules et promouvoir l’acceptation de leurs corps. Aussi, cette vidéo amateur réalisée par deux adolescents pour la semaine de sensibilisation aux tubes alimentaire (en 2012) est définitivement par et pour les personnes handicapées. C’est un autre exemple de l’importance du soutien par les pairs pour les personnes handicapées.
  • Les publicités d’Apple sont mitigées. Un clip de 2016 a été produit par Sady Paulsen, une femme atteinte de paralysie cérébrale. Il montre des personnes avec une variété d’incapacités utilisant leurs iPhones et ordinateurs pour programmer des prothèses auditives, utiliser le logiciel de synthèse vocale, suivre des séances d’entraînement et éditer la publicité qu’on regarde. Nous sommes heureux de voir une entreprise « branchée » regarder au-delà des utilisateurs de fauteuils roulants comme la représentation classique du handicap. D’un autre côté, une deuxième publicité de la même année parle d’un jeune autiste utilisant un iPad comme dispositif de communication. La publicité est racontée par sa mère et un thérapeute, et Dillan est montré en train de jouer avec des jouets, de faire du jogging et de jouer au basketball. Sa contribution principale à l’histoire est de décrire sa vie comme « solitaire » et l’autisme comme « être en enfer ».
  • Lorsque des militants handicapés de Boston ont organisé un événement de « disability pride » en 1990, le premier point de notre déclaration de principes était: « L’incapacité fait une partie naturelle et normale de l’expérience humaine ». Cet événement, qui a eu lieu deux mois après la signature de l’« Americans with Disabilities Act, » visait en partie à annoncer la prochaine étape du mouvement des droits des personnes en situation de handicap. Nous espérions suivre les traces des mouvements de Black Power et de Gay Pride, pour construire une croyance commune que l’incapacité pourrait être à la fois normale et une source de fierté. Depuis lors, des événements de fierté ont eu lieu dans de nombreuses villes, mais le mouvement n’a pas gagné beaucoup de force. Il est difficile de s’accrocher à l’idée que l’incapacité est « normale », surtout face à la popularité croissante du suicide assisté et de l’euthanasie. Et avec moins de 1% de publicités mettant en vedette des personnes avec déficiences, il est compréhensible que les gens ne considèrent toujours pas le handicap comme « normal ».
  • Les meilleures campagnes publicitaires montrent qu’il est possible de le faire de bonne manière, mais les personnes en situation de handicap ne seront pas représentées correctement si nous ne pouvons pas raconter nos propres histoires, au lieu d’être représenté à travers les filtres de la peur et la pitié.
TVNDY