Archive des webémissions: La capacité et l’influence indue – Partie 2

Cette semaine, nous continuons à discuter de l’idée de “capacité” et de son lien avec le suicide assisté.

Dans cet épisode de l’Euthanasie et l’incapacité, Amy Hasbrouck, Christian Debray, et Taylor Hyatt discutent:

  • La capacité et l’influence indue – Partie 2
  • Un nouvel examen de la loi ontarienne sur l’accessibilité

Veuillez noter que ceci n’est qu’un script et notre webémission inclut des commentaires additionnels.

LA CAPACITÉ ET L’INFLUENCE INDUE – PARTIE 2

  • Bienvenue à la deuxième partie de notre série sur la capacité et « l’influence indue. » Pour passer en revue quelques points de la semaine dernière, nous avons dit que, pour être admissible au suicide assisté et l’euthanasie (le SA & E), une personne doit avoir la « capacité » de prendre la décision médicale de demander le suicide assisté ou l’euthanasie, et son consentement doit être volontaire et éclairé.
  • La personne est capable de prendre une décision médicale si elle peut:
    • Comprendre les informations sur sa condition en général (compréhension);
    • Appliquer cette information à sa propre situation (appréciation);
    • Considérer l’information, en soupesant les avantages et les inconvénients des options de traitement pour arriver à une décision (raisonnement);
    • Énoncer clairement ce choix une fois qu’il est fait (expression);
  • Pour être admissible au SA & E, la personne doit donner un « consentement volontaire et éclairé », c’est-à-dire:
    • Avoir pris une décision stable et définitive (être sûr et ne pas hésiter);
    • Être exempts de pression externe;
    • Être pleinement informée sur:
      • Sa maladie;
      • Le but du traitement;
      • Les options alternatives au traitement;
      • Les risques et les avantages de recevoir ou ne pas recevoir le traitement.
  • Aujourd’hui, nous allons parler de certaines idées qui viennent du domaine du droit qui traite des testaments et des dons (la loi sur « l’homologation » et les « successions »).  Depuis des siècles, les tribunaux ont établi une règle selon laquelle une personne ne peut hériter de quelqu’un qu’elle tue; ça s’appelle « la règle de la confiscation. » C’est aussi le scénario d’une tonne de romans mystères.  La nièce assassine l’oncle âgé et tente de donner à son acte l’apparence d’une mort naturelle, afin qu’elle puisse hériter de la fortune de l’oncle.  C’est à l’enquêteur futé de trouver la véritable cause de la mort, et la personne qui a assassiné.
  • Jusqu’ici, les tribunaux ont déclaré que la règle de la confiscation s’applique dans les cas de suicide assisté, si vous aidez quelqu’un à se suicider, vous ne pouvez rien hériter d’eux.  Mais maintenant que le SA & E sont devenus légaux dans de nombreux endroits, que se passe-t-il si le bénéficier aide l’auteur du testament à mettre fin à sa vie? Après tout, le paragraphe 241 (5) de la Loi canadienne sur le SA & E dit: « Ne commet pas l’infraction … quiconque fait quelque chose, à la demande expresse d’une autre personne, en vue d’aider celle-ci à s’administrer la substance qui a été prescrite pour elle dans le cadre de la prestation de l’aide médicale à mourir. »
  • La loi du SA & E du Canada ne mentionne pas la règle de confiscation, mais en Nouvelle-Zélande, la règle de confiscation ne s’applique pas aux suicides assistés.
  • Nous arrivons maintenant à l’idée d’une « l’influence indue » qui slalome entre les questions de capacité et de volontarisme.  Cette idée émerge d’une volonté de protéger les gens contre la fraude et les abus qui pourraient affecter la distribution de leurs biens après leur mort.
  • Même si cela existe depuis longtemps, « l’influence indue » n’est pas bien définie dans le droit; les tribunaux élaborent toujours de nouvelles façons d’expliquer ce que c’est, de le tester et de le prouver. Un juge a déclaré qu’on pourrait détecter si quelque chose est de « l’influence indue » si ça sent mauvais.
  • En général, « l’influence indue » signifie faire pression sur quelqu’un pour qu’il fasse quelque chose qui ne reflète pas ses véritables désirs, c’est-à-dire la coercition.  L’idée apparaît le plus souvent dans la loi sur les testaments, les dons et les contrats.
  • Lorsqu’un testament est contesté devant un tribunal, la personne qui défend le testament doit assurer au tribunal que la personne qui l’a rédigé savait ce qu’elle disait, voulait que le testament donne ses biens aux personnes qui les ont reçues, et que la personne était compétente pour faire le testament.
  • La personne qui conteste le testament doit alors montrer qu’il y a eu un problème dans la façon dont le testament a été fait.  Elle peut montrer des « circonstances suspectes » qui peuvent mener à la conclusion qu’il existe une « influence indue. »  Dans l’affaire Vout c. Hay, la Cour Suprême a dit de rechercher: « (1) des circonstances ayant entouré la préparation du testament (2) des circonstances tendant à mettre en doute la capacité du testateur, ou (3) des circonstances tendant à montrer que la volonté du testateur a été dominée par la contrainte ou la fraude. »
  • « L’influence indue » nécessite trois éléments:
    • L’auteur du testament et l’influenceur sont dans une relation de confiance ou de dépendance;
    • L’auteur du testament, pour quelconque raison, n’a pas l’énergie ou la force de résister à la pression de l’influenceur (un tribunal l’a qualifié « d’esprit opérationnel suffisamment indépendant pour résister aux influences concurrentes »);
    • L’influenceur utilise la relation pour influencer l’auteur du testament.
  • « L’influence indue » va au-delà des tentatives de convaincre quelqu’un, ou même de mendier.  Si la nièce de quelqu’un dit qu’elle sera dans la rue si son oncle ne lui donne pas d’argent, ce n’est pas une « influence indue. »  Mais si la nièce menace de mettre l’oncle dans la rue s’il ne lui donne pas d’argent, c’est une « influence indue. »
  • L’influenceur n’a pas à obtenir un avantage direct ou immédiat pour qu’un tribunal constate qu’une « influence indue » a été exercée.  Les tribunaux examineront les faits de la situation, y compris si la personne influencée est vulnérable, ou dépend de l’influenceur.  D’autres indicateurs de « l’influence indue » comprennent:
    • La personne est socialement isolée, ou déménage dans une autre ville où il n’a pas d’amis ou des parents
    • La personne est âgée, ou sa compétence est discutable;
    • Il y a eu un conflit familial récent;
    • La personne a subi une perte importante;
    • La personne a fait un testament différent des testaments antérieurs (surtout si elle laisse tout à une personne, un nouvel ami ou conjoint, ou un parent « perdu de vue »);
    • La personne retient l’information ou n’explique pas pourquoi elle a changé le testament et a omis les personnes qui hériteraient habituellement des biens, p.ex. enfants, petits-enfants.
    • La personne est récemment devenue malade ou est atteinte d’une déficience, surtout si la condition ou le traitement pouvait affecter les capacités cognitives ou les perspectives générales;
    • La personne parle une autre langue ou elle a un trouble d’apprentissage;
    • La personne utilise un avocat suggéré par l’influenceur;
    • La personne fait plusieurs testaments sur une courte période de temps;
    • L’influenceur a donné les consignes à l’avocat, ou a approuvé le testament avant qu’il ne soit signé;
    • La personne est déprimée ou se sent seule;
    • Il existe des preuves que la personne a peur de l’influenceur.
  • Comme vous pouvez le voir, il y a beaucoup de chevauchement entre les « circonstances suspectes, » la vulnérabilité et les éléments de « l’influence indue. » Certains d’entre eux (les « problèmes de santé, » « les incapacités » et la souffrance) sont des critères d’admissibilité au suicide assisté et à l’euthanasie.
  • Cela crée une situation où le même fait peut être utilisé pour prouver deux idées opposées: la « souffrance » rend une personne admissible pour SA & E au Canada et en Europe, mais c’est aussi une preuve que le choix n’est pas volontaire en raison d’une « influence indue. »  Un juge a déclaré que « si un patient souffre, est déprimé ou fatigué, ou est traité avec des drogues, il est moins susceptible de résister à l’influence des autres. »  Pourtant, ces conditions peuvent indiquer la « souffrance, » qui favoriserait l’admissibilité de la personne pour le SA & E.
  • L’idée de « l’influence indue » dans les décisions médicales a jusqu’ici été utilisée principalement dans des situations où quelqu’un a refusé un traitement médical, soit pour des raisons religieuses, soit parce qu’il était convaincu de recourir à un traitement alternatif.  Personne n’a contesté les lois sur le SA & E parce que la demande de la personne était sujette à une « influence indue. »
  • Dans les décisions Carter, le tribunal a déclaré, et la Cour suprême a accepté, que les médecins seraient en mesure d’évaluer la capacité du demandeur et le caractère volontaire de la demande, y compris s’il y avait de « l’influence indue. »  Si vous vous rappelez de la semaine dernière, le tribunal a demandé au parlement de mettre en place « un « système … rigoureusement circonscrit et surveillé attentivement. » Cela soulève la question suivante: si les tribunaux tentent encore de déterminer ce que signifie « l’influence indue, » comment les médecins sont-ils censés le comprendre?
    • Les médecins ne sont pas tenus de fournir une « preuve » que la personne répond aux critères d’admissibilité, ils doivent seulement « être d’avis » que c’est le cas.
    • La loi n’utilise pas le terme « l’influence indue, » choisissant plutôt le terme « pression externe » qui n’est jamais défini et qui n’a été appliqué dans aucune affaire judiciaire.
  • En utilisant le terme « pression externe, » peut-être le parlement voulait créer une nouvelle idée juridique, qui combinerait « l’influence indue » par une personne avec les forces sociales et politiques que mènent les gens à demander le SA & E:
    • La peur d’être placé dans un CHSLD parce qu’il n’y a pas de services adéquats à domicile disponible;
    • Manque de services, d’équipement adapté et de transport accessible pour leur permettre de faire des activités qu’ils aiment;
    • Ne pas avoir accès à des soins palliatifs efficaces;
    • Être forcé à vivre en dessous du seuil de pauvreté;
    • Se faire bombarder de messages (du personnel médical, des médias et du public) qui affirment que leur qualité de vie est inférieure, et que leur vie est moins précieuse que celle des personnes non handicapées.
  • … Ou peut-être pas.

UN NOUVEL EXAMEN DE LA LOI ONTARIENNE SUR L’ACCESSIBILITÉ

  • Le gouvernement de l’Ontario a nommé l’ancien lieutenant-gouverneur David Onley, la première personne avec une déficience à occuper ce poste, pour effectuer le troisième examen de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, également connue sous le nom de LAPHO. La Loi prévoit un examen obligatoire de son « efficacité » tous les trois ans.
  • La LAPHO est conçue pour éliminer les obstacles en créant des normes pour les départements gouvernementaux et les entreprises dans quelques secteurs importants. Les exigences de service à la clientèle, d’information et de communication, d’emploi, de transport et de conception d’espaces publics sont actuellement en place. Les normes d’accessibilité pour les soins de santé et l’éducation, deux domaines cruciaux dans la vie des personnes handicapées, sont toujours en cours.
  • M. Onley est responsable de « consulter le public et d’analyser les progrès réalisés en matière d’accessibilité dans d’autres juridictions. » Son examen sera terminé d’ici la fin de l’année. Nous attendons que lorsqu’il comparera la loi de l’Ontario à ses équivalents partout au Canada, il trouve de nombreux domaines où la province doit s’améliorer.
  • Même s’il a été demandé à M. Onley de « tenir compte de l’évolution de la (loi) actuelle et de ses objectifs pour un Ontario accessible d’ici 2025 et au-delà, » il reste encore beaucoup de travail à faire.  Seules certaines des recommandations du deuxième examen ont été mises en œuvre, y compris la nomination d’un ministre responsable de l’accessibilité, Mme Tracy MacCharles. La dernière évaluation a été faite par Mayo Moran, la Provost et vice-chancelier du Collège Trinity de l’Université de Toronto, en 2015.
  • Pour résumer le tout … bien que l’examen soit grandement nécessaire, nous ne sommes pas sûrs de ce qu’il va accomplir.
TVNDY